Il était une fois un jeu de cartes qui s’ennuyait dans un tiroir de commode. Il arrivait qu’il soit bousculé par des mains maladroites, venues farfouiller dans les bricoles poussiéreuses qui l’entouraient, mais jamais la passion du jeu ne venait l’extraire de cette situation misérable.

Cet abandon était particulièrement difficile à supporter pour le Valet de Cœur qui avait eu de nombreuses occasions de rencontrer la Dame de Trèfle, une brune superbe et séduisante, dont il était tombé éperdument amoureux. Des sentiments étranges quand on connait le caractère familial d’un jeu de carte, marqué par l’identité et par la nature de ses membres respectifs. On savait qu’un pique ne rigolait pas trop avec un cœur ou qu’un trèfle ne s’associait que rarement avec un carreau, sauf dans des parties de grande mixité.

    Mais pour un Valet de Cœur, naturellement fragilisé par sa nature sentimentale, l’amour lui offrait des ouvertures universelles qui balayaient tous les préjugés d’origines ou de couleurs. Il savait que la Dame de Trèfle l’avait regardé avec des expressions qui l’invitaient à partager les pages délicieuses d’une romance aux saveurs enivrantes de lune de miel. Cela au cours d’une partie de belote où la chance avait fait de lui un atout maître. Il était alors superbe de pouvoir et elle, soumise aux règles du jeu, avait eu la sensation d’avoir rencontré son héros.

   L’un et l’autre s’étaient ensuite retrouvés brièvement, le temps d’éprouver des sensations propices aux plus belles aventures amoureuses. Mais depuis, de nouveau dispersés dans le jeu remisé, ils étaient séparés par une Dame de Pique jalouse et redoutable et par un Roi de Trèfle qui n’appréciait pas du tout cette inclination préjudiciable à la réputation d’une famille honorable. Comment pouvait-on s’abandonner au charme d’un pauvre Valet de Cœur, fut-il favorisé par une méprisable partie, dite populaire, de belote, disait le Roi de Trèfle ? Vindicatif il attendait l’occasion d’une éventuelle rencontre de poker pour pouvoir l’humilier. Mais c’est alors que, Le Sort, toujours attentif à favoriser les beaux sentiments, fit appel à son vieux copain, Le Hasard, afin de provoquer d’heureuses retrouvailles. Et c’est ce qui arriva.

     Comme nous étions à Noël des enfants décidèrent de décorer leur sapin avec des cartes à jouer. C’était une idée assez originale qui permit au Valet de Cœur de se retrouver étroitement exposé aux côtés de la Dame de Trèfle. Tous deux placés entre une grosse boule toute bleue et une étoile des neiges scintillante. Une situation qui leur permettait de tout admirer des merveilles d’une fête exceptionnelle, de couleurs, de joies et de surprises et surtout de partager le bonheur d’être enfin réunis. Plus tard, une bougie allumée au-dessus d’eux, attendrie par leur attitude, laissa volontairement tomber une larme toute chaude de cire fondue afin de les unir l’une contre l’autre.

Devenues inséparables par ce lien providentiel on les remisa ainsi dans le grand tiroir de la commode, là où elles demeurent encore, à ce jour. Depuis ce temps-là, on sait que dans chaque jeu de cartes certaines d’entre elles éprouvent des sentiments, tels, qu’ils invitent, Le Hasard, à faciliter leurs rencontres. Cela dans toutes les parties, quelle qu’elles soient, et surtout au cours des séances mystérieuses et révélatrices des diseuses de bonnes aventures.

Il suffit de tirer des cartes amoureuses pour que l’on vous prédise le meilleur de ce que vous pourriez espérer d’amour, de bonheur ou de prospérité.

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