Il était une fois un vieux réveil qui ne réveillait plus personne. Son état déglingué pouvait expliquer sa présence sur un étal de brocante où là, entre une clé à molette usagée, des clous tordus, trois pinceaux, un vieux bouquin et une casserole cabossée, il affichait l’heure de son épuisement sur un cadran fatigué.

Dix minutes avant minuit, ou dix minutes avant midi pour les accès à la cantine ?

A l’examiner, distraitement, au milieu de ce fouillis, rien ne permettait de prévoir une transaction équitable, ni même une donation destinée à le refiler pour s’en débarrasser. Mais ce jour-là, un bonhomme légèrement grisonnant, du nom de Noël Sapin, promena son regard désabusé sur toutes ces babioles, posées dans un désordre de vieilleries, sans ressentir l’appel irrésistible propre aux habituels farfouilleurs de trouvailles. Pourtant il remarqua que le bouquin avait pour titre “Robinson Crusoé” dont le récit avait illuminé ses jeunes années.

Il s’en empara et découvrit, avec surprise, que c’était son propre livre avec son nom ainsi qu’une date inscrits sur la page de garde. Dès lors il réalisa que les objets exposés provenaient de la maison de son défunt père pour se retrouver sur cette brocante après avoir été abandonnés aux méandres impénétrables du recyclage : c’était extraordinaire.

De cela il négocia ce qui lui semblait être important, entre le réveil et le bouquin, puis il rentra chez-lui. Dans la soirée il bidouilla le mécanisme et les heures du réveil mais sans succès, puis il se souvint du Noël de 1981 quand du haut de son jeune âge il avait réglé sa sonnerie sur minuit en espérant surprendre le « Père Noël ». Mais en vain car ce n’est que le lendemain qu’il avait pu découvrir ses cadeaux.

Tout ça pour en arriver à la nuit de Noël de 2020 alors que la veillée s’achevait et que chacun s’oubliait dans un sommeil de bienheureux, l’esprit bercé par l’euphorie très enivrante des plaisirs festifs. La maison était en désordre, les papiers d’emballages de cadeaux étaient partout, quant à la cheminée, trop chargée, elle crépitait dangereusement de ses braises menaçantes. C’est alors que la sonnerie du vieux réveil retentit. Le branle-bas et les actions qui s’ensuivirent évitèrent la propagation du feu et Noël Sapin retrouva son fameux bouquin, qu’il avait consulté et oublié sur le sol, dont la couverture était partiellement brulée. Quant au réveil il égrenait de nouveau ses cliquetis mécaniques avec ses vibrations et toute la force de ses ressorts retrouvée. Il avait sauvé du feu “Robinson Crusoé” et ce faisant il avait alerté des risques à venir : c’était miraculeux et c’était Noël.

Paul Gamberini

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