Martine, et les trois compères

Martine, et les trois compères

La Grande Rue de Belley ne manque pas de romantisme, il suffit de se laisser aller à l’oubli de notre temps ou de rêvasser pour lui retrouver des allures du passé.

Comment devait-elle être, perdue dans les méandres séculaires de notre très longue histoire locale. Ses vieilles façades servent de décors à notre imagination et ses mystères renforcent les plaisirs de nos abandons contemplatifs. Il en va ainsi pour ceux qui savent s’évader dans les espaces infinis de leurs fantaisies. C’est dans ces conditions que je vois surgir devant moi un magnifique cheval blanc, en bel animal de son espèce il apparaît, insolite, sur le trottoir de notre époque, là où le piétinement de ses sabots résonne comme l’anachronisme d’une situation inattendue. Je suis assis à la terrasse de cette boutique connue sous le nom de « Comptoir des Saveurs » qui balise la rue de ses odeurs du monde, je sirote un expresso d’Ethiopie ou du Guatemala et une fois de plus j’admire la façade de Brillat-Savarin, là où commença son histoire. Il fait très beau en cette matinée du 3 octobre, la lumière est très douce et tout semble être parfait pour que je puisse savourer le bonheur de l’instant. Et puis ce cheval, si soudain, dont l’équipage a de quoi surprendre dans un endroit qui a oublié depuis longtemps cette présence animale. Sa domesticité a quelque chose de rassurant comme si notre nature profonde retrouvait de vieux instincts qui relèvent de la complémentarité. On éprouve une envie de caresser, d’admirer, de réconforter dans un échange qui ressemble à de l’admiration ou à une forme de vieille complicité. J’envie son cavalier, c’est un tout jeune homme qui a décidé de refaire son monde à sa façon avec les charmes d’un autre temps. Il vient de l’Ariège qu’il a quittée début mars, il suit le GR7 puis il se dirige vers la Franche-Comté avant de retourner vers ses terres natales, histoire de découvrir ce qui peut l’être encore de la France profonde. Il est tout sourire, illumine l’instant d’un bonheur communicatif qu’il promène sur les chemins de son aventure avec la constance d’un personnage chaleureux et spontané. Café oblige il prend le temps d’une courte convivialité. Le chien qui l’accompagne partage cette douceur installée et complète l’équilibre de l’équipage. Quelques échanges, des questions puis de l’humour et l’équipage disparait dans son histoire avec la magie un peu fantastique de son étrangeté.

Il s’appelle Manu, son chien Drum et son cheval Abril. Voilà, il disparait, après un rare moment de Grande Rue.

Peut-être : manudrumabril@gmail.com Pour ceux qui voudraient le ramener sur la toile de notre époque.

Paul Gamberini

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