Histoire d’oublier de longues périodes d’isolements, à regarder le monde à travers les parois embuées de nos empêchements, afin de replonger dans le grand aquarium de nos agitations naturelles. Une façon un peu allégorique de comparer nos aventures sanitaires à celles d’un poisson rouge, condamné à tournicoter dans son bocal, la nageoire nerveuse, le regard globuleux et la bouche agitée de tremblements maladifs. Cela en espérant pouvoir retrouver ses semblables, immergés quelque part, dans des milieux aquatiques volumineux et conformes aux besoins essentiels de son équilibre. Car pour cette espèce, comme pour la nôtre, il est fortement conseillé de rompre avec la solitude pour s’en aller à barboter dans des espaces libres et ouverts aux multitudes heureuses, insouciantes et apaisées. Point !   

     La comparaison pourrait s’arrêter là si l’on n’insistait pas sur les similitudes qui existent entre ces ambiances de va et vient perpétuels, observés dans les milieux aquatiques, et dans celles de nos sociétés libres de mouvements et remontées par l’horlogerie puissante d’une nature vigoureuse. Quand tous les caractères de nos petits bonshommes se retrouvent à cohabiter ensemble, librement, sans contrainte, dans des grands mélanges de sociétés. Cela avec des comportements, d’humeurs, d’allures, et d’énergies différents. Le tout ajusté par des tas de sentiments qui donnent à chacun d’entre nous une forme d’originalité unique ou particulière. Et c’est bien de tout cela dont nous avons besoins pour sentir autour de nous le bruissement de l’existence qui nous est indispensable pour entretenir notre santé et notre plaisir de vivre. Dès lors, après un long vide relationnel, il nous est permis de faire le bilan de tous ceux qui nous auront manqué pendant toute cette période aseptisée. De tous ces caractères différents qui pimentent les charmes de nos discussions ou animent les vibrations intenses de nos sentiments.

     Donc à peine sortis de notre bocal on devra consacrer notre écoute aux caractères accaparants  comme les tristes, les timides, les inquiets, les malheureux ou même les jaloux. Tous ceux dont les sujets de préoccupations sont de nature à ranimer des instincts liés à la compassion et au secours du prochain. A moduler selon la gravité évoquée car il y aura beaucoup à apaiser. Ensuite on rencontrera un ou deux caractères mauvais, haineux ou hargneux, toujours les mêmes, sortis tout droit de leurs tanières sombres, nourris par les idées tenaces de leur nature malsaine. Juste pour découvrir que leurs comportements nous permettent de galvaniser notre courage et de nous remettre dans de bonnes conditions pour affronter l’adversité. Puis des caractères amoureux, touchés par la grâce de leurs beaux sentiments nous apparaîtrons comme des éclairs lumineux de bonheurs innocents, parfois naïfs et émouvants de fragilité. Des rencontres attendrissantes à souligner par de gracieux sourires de plaisir. Enfin on retrouvera les grincheux ou les rouspéteurs de nos vieilles relations, de ceux qui grommellent leur mauvais caractère autour d’une table de bistrot en sirotant un vin local pour bien marquer leur attachement au Bugey. A ce cher pays dont les changements ne cessent de les tourmenter.

A les entendre, grognons, on savourera leur humour précieux ou caustique retrouvé. Enfin que dire d’autres caractères sinon que l’on pourra s’attarder avec des gais, des optimistes ou des méfiants, mais c’est surtout une rencontre avec l’un des caractères idiots que j’espère, sachant que dans l’ensemble je n’éprouve aucun mépris envers eux car ils sont souvent très utiles pour nous ouvrir les yeux sur des choses dont nous n’avons aucune idée. Je compte donc sur l’un d’entre eux pour me raconter, à sa manière, la grande aventure touristique du Covid 19. Un virus pour lequel je n’ai pas encore bien capté toutes les explications doctement administrées par de très grands spécialistes. Il est possible que je sois idiot, aussi, mais il me tarde d’en rencontrer un vrai, un pur, pour connaître, enfin, la vérité sur ce sujet.

Voilà, tout ça pour dire que nous avons tous besoin les uns des autres, pour exprimer nos sentiments et vivre heureux. Alors bon retour dans l’aquarium !

Paul Gamberini

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