J’ai pensé que le génie suprême appartenait à quelques individus, très rares, lesquels, parfaitement conscients de leurs dons exceptionnels pouvaient faire le choix de ne rien faire, ou de ne rien « branler » du tout. Rien, absolument rien ! Que le mieux pour eux c’était de vivre pénard, libre et heureux en évitant d’en remontrer, de faire des tas de choses surprenantes, d’apprendre des bidules inutiles ou même d’exprimer des talents artistiques extraordinaires.

De tout ce qui pourraient susciter l’admiration (possible) ou de provoquer des critiques malsaines de jaloux mesquins et assez mal embouchés. Voire d’affronter des contradictions menaçantes aux conséquences pouvant être fatales. Donc de se comporter à la manière d’un Diogène cérébral, confiné dans son espace égoïste de super doué, éclairé par le soleil de ses propres pensées : tout seul, à l’écart et basta !

Cela afin de vivre de façon contemplative en regardant, avec un détachement de passif, les circonvolutions d’un monde agité, animé par des instincts erratiques de demi-sauvages. J’en ais pour preuve l’une de mes récentes visites touristiques faite au Vatican, où, après s’être extasié longuement devant la célèbre Piéta de Michel-Ange, on se pâmait tous, la tête renversée, pour admirer le plafond de la Chapelle Sixtine.

  L’un de mes amis se confondait dans des émotions de circonstance pour plaindre ce pauvre Michel-Ange qui avait dû en baver dur en se martyrisant le squelette (tordus dans tous les sens) afin de réaliser ces merveilles artistiques. Je lui rétorquais qu’il l’avait bien cherché, le bougre, car si à l’âge de 21 ou 22 ans il n’avait pas commis l’imprudence de sculpter sa géniale Piéta, on lui aurait fiché une paix royale et on l’aurait oublié complétement dans le plus profond des anonymats possible, pour le reste de son existence. Il aurait vécu tranquillement, super cool, à pêcher le gardon dans l’Arno ou dans le Tibre, entouré d’une épouse experte en pizzas ou en gnocchis § lasagnes et de plusieurs bambins, tous admiratifs du farniente extraordinaire, pratiqué par le génial conjoint et géniteur éloigné de toutes tentations de célébrité contraignante.

  Mais au lieu de cela il a voulu faire le malin avant de finir ses jours en boitillant tristement pour aller consulter son ostéopathe du coin de type Renaissance florentine florissante. On le remerciera quand même d’avoir fait d’énormes sacrifices de génie pour nous bricoler des tas de merveilles. Merci donc à Michel-Ange !

     Bien sûr, tout ceci pourrait paraître un peu caricatural pour représenter les esprits géniaux car ils se sont tous investis, de façons variées et généreuses, afin de construire, très laborieusement, l’édifice fragile de notre humanité. Cela avec une passion excessive qui consumait rapidement l’énergie de leur trop brève existence, avant que leurs noms ne soient gravés dans le marbre voué à la postérité. Un peu comme s’ils étaient prédestinés pour apporter une touche de lumière dans ce bas monde avant de disparaître.

  Certes, on leur doit beaucoup cependant il faut reconnaître que si leur nombre ne devrait pas excéder quelques individus fabuleux, lesquels ont marqué l’histoire de réalisations étonnantes, désormais les choses ont radicalement changé. Car si j’entends bien tout ce qui se raconte autour de nous, j’ai l’impression que nous sommes entourés, de plus en plus, par des tas de zigotos qui se targuent de génie comme si cette qualification prestigieuse s’était démocratisée au point d’être mêlée à toutes les sauces.

Il n’est pas de situations qui ne soient pas sanctionnées par des exclamations bruyante du style : « Cette moutarde aromatisée est vraiment géniale ! » ou encore : « Le mec qui a eu l’idée d’inventer le manche de pioche est un véritable génie ! » On pourrait s’amuser en exagérant le propos mais il n’en demeure pas moins qu’à force de tout désacraliser on en arrive à développer une médiocrité générale qui pourrait devenir inquiétante. Comme d’habitude, pour plus d’appréciations, je me devais de consulter mon ami Marcel : « Le génie, le génie me dit-il, tu verras qu’un jour on trouvera que la stupidité la plus crasse est devenue complétement géniale et là on touchera le fond. C’est bien notre problème à moins qu’un véritable esprit éclairé ne vienne redorer les couleurs de notre environnement tristounet. En attendant la venue de ce sauveur providentiel je peux t’offrir ce qui devrait convenir le mieux à notre situation : un bon verre de pétillant du Bugey. Tu verras qu’il est vraiment génial. Mais à boire avec une Modération qui relève d’un comportement génial, bien sûr ! »

Merci Marcel c’est vraiment génial !

Paul Gamberini

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