Il était une fois une belle piscine en devenir. Elle existait dans les imaginations les plus fertiles et les plus diverses des grands penseurs du moment, tous ouverts sur l’avenir et sur la vision futuriste d’un admirable territoire.

Un projet magnifique au bénéfice d’une large population et de ses charmants descendants, pouvant même aller jusqu’à leurs arrières petits-enfants. C’est dire. Tous ces décideurs en étaient tellement émerveillés qu’ils étaient incapables d’en fixer les contours.

Devait-elle être grande ou petite, profonde ou large, surmontée de plongeoirs, avoir des annexes ludiques pour pouvoir rôtir dans des saunas bouillants ou dans des hammams vaporeux et humides de stoïques amateurs de sueurs surchauffées mais tellement purificatrices ?

Alors qu’une bonne séance de jardinage produit a peut-près les mêmes effets. Ou bien fallait-il disposer de bidules ou de machins à vagues pour pouvoir secouer les non secoués dans des remous violents afin de leur donner des illusions de lointains rivages marins ?

  Ou encore, fallait-il équiper l’ensemble du site proposé de toboggans mouillés et glissants, histoire d’amuser les plus jeunes de 7 à 77 ans, avant de les précipiter dans de grands abandons rapides et bruyants mais jouissifs et éclaboussants.

Plouf, plouf, plouf et puis plouf ! Sans parler des fameux jacuzzis. Ah, les jacuzzis disaient certains extatiques. Oui, c’est bien gentil tout ça, mais combien ça va encore nous coûter, disaient les plus réfractaires, craintifs et frileux du porte-monnaie parcimonieux.

  Peut-être que pour les plus raisonnables ou les plus modestes, le projet devrait plutôt s’inscrire dans la limite de l’essentiel et du possible, afin de ménager les capacités financières d’un contexte déjà fortement malmené par ailleurs.

Alors, se disaient-ils, pourquoi ne pas avoir un centre nautique tout simple, adapté aux besoins élémentaires de pure natation, offrant aux nombreux sportifs les moyens de leurs désirs les plus accessibles : ceux de pouvoir nager dans un bassin de belles dimensions aux belles eaux limpides.

  De celles qui attirent et encouragent les efforts en offrant les satisfactions de la progression d’une nage, de celle d’un style ou d’une endurance de champions préparés pour les compétitions. Enfin de ce qui génère la santé du corps et celle de l’esprit.

  Combien de fois, entendait-on, que si le nombre de piscines augmentait nous aurions beaucoup moins besoin d’hôpitaux : un sujet très important à examiner !

     Fort de ces arguments on aurait pu croire que le choix puisse se faire facilement s’il ne s’y était pas ajouté un facteur d’ordre beaucoup plus passionnel. Car devrait-on construire cette nouvelle piscine en ville ou à la campagne : pour faire plus simple devrait-on avoir un établissement Urbi ou bien Orbi ?

Et là on touchait aux limites de la confusion tant l’écart entre les Urbi et les Orbi se révélait être extrêmement réduit.

  On assista alors à une joute digne de grands affrontements de gladiateurs, laquelle se déroula dans l’arène, très démocratique, d’une honorable assemblée de délégués, là où les Urbi triomphèrent d’une très courte brassée de piscine.

Ceci faisant que les Orbi, déconfits, en firent de très mauvaises mines, ne sachant pas comment renverser la vapeur d’une décision jugée inopportune. Ils parlèrent même de refaire les élections, puis cherchèrent des poux dans la paille d’un résultat estimé irresponsable, en faisant preuve de mauvaise foi et en trouvant des arguments qui mettaient en cause la nature même du terrain Urbi proposé. Celui-ci était-il vraiment conforme ?

  N’avait-il pas dans son sous-sol suspect des substances plus ou moins douteuses (radioactives ?) pouvant nuire à l’implantation du projet, etc.

Ce qui pouvait faire penser à certains que les décisions, dites démocratiques, le sont beaucoup moins lorsqu’elles sont perçues par les factions déboutées.

  Pourtant les arguments Urbi ne manquaient pas de bon sens, fallait-il pénaliser les principaux utilisateurs de la piscine, essentiellement les écoliers, les lycéens et autres fidèles très urbanisés, en leur imposant des marches forcées vers des destinations Orbi compliquées.

Fallait-il ôter de la ville ce qui faisait encore l’objet d’une attraction citadine importante, surtout lorsque l’on connait la tristesse des désertifications urbaines.

  On en était là, alors qu’il ne se passait plus rien ou pas grand-chose et que beaucoup se demandaient même, avec ironie, le devenir de cette fameuse piscine.

La piscine où en est-on : Urbi ou bien Orbi ?

  C’est alors que l’on apprit, avec étonnement, que les Urbi, après avoir été malmenés, finirent par être complétement estourbis par les Orbi. Une nouvelle qui prouve que des décisions, dites démocratiques, puissent parfois sombrer dans les eaux tumultueuses d’une belle piscine en devenir.

Et plouf !

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