Afin d’apaiser les contrariétés d’une époque difficile on devrait trouver un moyen capable d’adoucir les angoisses coincées dans les esprits de nombreuses personnes. Et pour cause, car avec la présence d’un virus baladeur, aux conséquences parfois tragiques, on se retrouve dissimulés derrière des masques pour affronter la gravité du moment. Plus question de rigoler, on en revient à se discipliner pour obéir à une procédure, sévère, calquée sur des commandements militaires, du style : « Garde-à-vous ! Portez-masque ! Ajustez-oreilles ! Vérifiez-protection ! Respectez-distance !

Lavez-mains ! Respirez-Expirez ! Repos !

Maintenant vous pouvez déambuler ! »

     Terminées nos habitudes nonchalantes plongées dans des itinéraires de vagabonds amicaux, prompts à se taper la bise à hue et à dia, à Marcel ou à Simone, en blablatant des sottises nourries de postillons rieurs issus de franches rigolades. Cela dans des échanges où les virus des uns faisaient connaissance avec ceux des autres en comparant leurs parcours ou leurs nocivités. Entre un H1N1 épuisé et un vieux H5N1 fatigué, par exemple :

  -Salut, je viens de passer tout l’hiver chez Marcel, mais il était vacciné et il m’a complétement déglingué le bougre, et toi ?

   -Oh moi, avec Simone, c’était sympa au début, elle toussait et crachotait pas mal, c’était prometteur, mais je n’ai pas pu résister à ses tisanes à répétition, maintenant je ne supporte plus du tout le tilleul ou la verveine !

      Voilà, c’était comme ça, avant que le Covid 19 ne débarque, quand une petite « grippette » de saison ressemblait presque à une bonne plaisanterie : mouche ton nez,  bois ton sirop et attend le printemps ! 

      Désormais l’ambiance n’est plus du tout la même et on peut se demander comment nous allons pouvoir sortir de cette situation pénible sans trop de séquelles ? 

Si les choses devaient perdurer il est possible que l’on soit obligé de se réhabituer aux visages familiers, une fois découverts de leurs masques, pour les reconnaître. Qui sait ? Certains pouvant être tordus par des grimaces excessives selon leur bon ou leur mauvais caractère. Entre les grimaces d’un agressif, d’un râleur, d’un méfiant, d’un optimiste, d’un idiot ou même d’un amoureux, sans parler de celles de tous les autres, on devrait être surpris de les voir apparaître profondément marquées par l’agacement ou par la durée de la contrariété ressentie.

     La grimace d’un agressif devrait être assez symptomatique d’un comportement violent avec la symétrie du visage brouillée par des expressions menaçantes, vociférées vers la droite ou vers la gauche selon la tendance du sujet.

Celle d’un râleur devrait lui rider le front de marques profondes soulignant les traits de son caractère agacé, façonné par une seule et même expression répétée inlassablement : « C’est un vrai bordel, c’est vraiment le bordel ! »

La grimace d’un méfiant devrait lui tirer les traits dans toutes les directions en rétrécissant le volume du visage pour en faire une sorte de vieille pomme ridée, avec un œil plus ouvert que l’autre surmonté d’un sourcil épais en forme de chapeau de gendarme. Celle d’un optimiste devrait être marquée par une expression un peu stupide, de nature inoxydable, résistante à toutes les situations : guerre, bombardement, tremblement de terre, cocufiage possible et fin des haricots. Celle de l’idiot ne devrait pas être trop altérée étant donné qu’elle est d’origine et qu’elle sert de passeport pour signifier que l’individu est toujours un peu paumé entre deux gros nuages d’incompréhension.

Enfin la grimace la plus attendrissante pourrait être celle d’un amoureux et être assimilée au syndrome du poisson rouge avec des mouvements de lèvres permanent cherchant à bécoter tout ce dont le masque lui aura privé de contacts intimes nécessaires à la survie de ses profonds sentiments.

     On pourrait délirer davantage, mais pour en revenir au sens de notre préoccupation, que pourrions-nous faire pour retrouver une situation apaisée après un retour à la normale ? Marcel devrait me répondre :

-Pour moi, le mieux serait d’organiser une grande fête autour du Jet d’Eau de la ville avec l’obligation de consommer une soupe à la grimace !

-Une soupe à la grimace ?

-Oui, un truc spécial, mijoté par nos célèbres restaurateurs bugistes, capable de nous faire oublier tous les désagréments d’une période compliquée !

-Pourquoi pas, mais ça devrait être dur à avaler ta potion ?   

-On devrait grimacer pas mal avant de retrouver un visage naturel, souriant et ouvert, de nouveau, aux plaisirs de la vie !

-Oui, bon, mais en attendant restons masqués !

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