Voici quelques récits à caractères merveilleux pour se replonger dans les légendes et coutumes de Noël au pays de l’Ain.

Près de Bagé la Ville, une pierre nommée Pierra Matafamgha pouvait se manifester de deux manières la nuit de Noël : Soit elle se couvrait de matefaims, soit elle montrait un trésor. Il fallait se rendre au soir du réveillon près d’elle avec tout le matériel à matefaims, poser la poële sur la pierre, et pendant que s’égrenaient les douze coups de minuit faire sauter douze matefaims sans en rater aucun. Celui ou celle qui serait assez rapide pour réaliser ce tour de force aurait la chance de trouver un trésor au cours de l’année.

On va aussi en pélerinage : à Chavannes sur Suran pour prier Saint Jean afin qu’il procure de bonnes récoltes. Ailleurs, on allait voir Saint Antoine pour guérir les cochons !

Du côté de Dommartin, on place une grosse bûche dans la cheminée en partant pour la messe de minuit. Si elle est éteinte quand on revient, c’est très mauvais signe.

Les filles à marier vont jeter une épingle dans une fontaine. Si l’épingle se tient droite sur la pointe au fond de l’eau, elles trouveront un époux dans l’année.

On va prier devant une croix grossièrement taillée dans la pierre, sinon les bestiaux périront à coup sûr.

De même, on va en pèlerinage dans les bois où quelqu’un a été assassiné pour éviter que son âme ne vienne les voler.

A Cize, les vieillards allaient prier sur un mamelon au pied de la statue d’une madone. Ils faisaient un grand feu et déposaient au pied de la madone un présent d’un parent mort dans la famille, ou un objet lui ayant appartenu.

Une croyance du Haut-Bugey rapporte que la nuit de Noël, le roi Hérode part à la chasse. Il parcourt la contrée pour débusquer et punir ceux qui négligent ou refusent de se rendre à la messe de minuit. Le pontonnier qui faisait traverser les voyageurs du côté de Thoirette, racontait avec force détails comment un soir de Noël où il était resté bien au chaud dans sa chaumière, il fut réveillé en sursaut par des coups violents contre sa porte ; comment il se leva précipitamment, ouvrit sa porte pour se retrouver face à un chasseur gigantesque. Celui-ci sauta dans sa barque, suivi par une meute de chiens impressionnants, pendant qu’on entendait une fanfare dont on ne pouvait voir les joueurs !

Le passeur se dépêcha de faire traverser tout ce monde, terrifié qu’il était. Une fois de l’autre côté, sous le vacarme de la fanfare invisible, le chasseur déposa dans la barque une bourse remplie de pièces d’or, en ricanant. Une fois de retour en sa chaumière, le passeur voulut compter son trésor, mais ne retrouva plus que des feuilles de houx qui lui piquèrent désagréablement les mains, lui rappelant la légende… Dans nos régions de Bresse, cette chasse redoutable semblait avoir lieu le soir de la Fête des Rats, le 29 décembre.

Dans les provinces de Bresse et du Bugey, le Noël devint peu à peu une véritable représentation se rapprochant un peu des « Mystères « du Moyen-Âge. On construisait des crèches vivantes, où l’enfant Jésus voyait le jour dans le bocage bressan et non plus en Judée. Tout le village jouait la nativité, même si parfois l’Eglise « officielle » voyait cela d’un mauvais oeil.

« Le Noël n’est donc pas, dans les Pays de l’Ain, un simple cantique à la gloire de Dieu comme il le deviendra plus tard, ni une évocation pure et simple du drame sacré. Concret et familier, il s’intègre étroitement à la vie de la paroisse. En effet, par un miracle de la foi, qui confond le rêve pieux et la réalité, la Nativité devient un évènement du village bressan ou bugiste : on accède à la crèche par des charrières boueuses ou verglacées, après avoir longé les serves où le diable pourchassé ira tomber…

Mais, Noël est un jour de fête et les fêtes se célèbrent d’abord par un bon repas : aussi les évocations de réveillons sont-elles fréquentes dans cette poésie, et vont parfois jusqu’à en devenir le thème essentiel. »

D’après P. Guichard :
Histoire Littéraire des Pays de l’Ain, 1995

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