C’était la première fois en 14 ans qu’il passait Noël en famille. Les années précédentes, Alain était incarcéré à la prison d’Aiton, en Savoie. Comme chaque détenu, il avait alors droit à un « colis » de Noël : 5 kg de nourriture minutieusement choisis par ses proches, un trésor pour toute personne habituée à la cuisine de la détention. Il faisait l’effort de décorer sa cellule tout en évitant de trop penser à l’extérieur, « sinon ça fait trop mal ».

Liberté tronquée
Le 2 juillet dernier, il a donc mis fin à 13 ans et 8 mois d’incarcération. Condamné à 20 ans de prison initialement, cette sortie a pourtant eu un goût amer. Avec les remises de peine pour bon comportement et la législation en vigueur au moment du jugement, il aurait pu sortir plus tôt. Entre temps, les lois ont changé. Pour ne pas s’éloigner de ses parents, il a préféré ne pas demander d’aménagement de peine et rester plus longtemps sous les verrous. Il pensait en ressortir libre, la réalité est tout autre. Car pendant 4 ans Alain devra s’astreindre à un contrôle judiciaire mensuel, assorti d’une visite trimestrielle chez un médecin coordonnateur grenoblois. C’est le cas des détenus condamnés à certaines peines supérieures à 10 ans. Un fil à la patte… une épée de Damoclès qui peut, dès lors que vous n’en respectez pas les règles, vous ramener à tout moment en prison. C’est loin de ce qu’il imaginait.

Reprendre le train en marche
Pour l’heure, Alain essaye doucement de retrouver sa place dans la société. Il a rejoint le domicile de ses parents où le paysage a bien changé en 14 ans, « les maisons ont poussé comme des champignons ». Il s’y sent un peu étranger. Il met de l’ordre dans ses 30 boîtes de papiers, fait du tri dans ses affaires, reprend possession de son passé. Ses parents sont soulagés de l’avoir retrouvé, eux qui chaque semaine allaient le voir au parloir. Ils peuvent enfin se reposer sur ce fils prodigue qui sait tout faire à la maison. Lui retrouve le plaisir de vivre au contact de la nature, de bricoler, de s’occuper de ses voitures, sa passion. Sauf qu’il ne peut plus les conduire, car pour son assurance il est redevenu « jeune conducteur ».
A plus de 50 ans…

De son passage en prison, il préfère garder les bonnes choses. Féru de littérature, il travaillait à la bibliothèque du centre pénitentiaire durant sa détention. Il a participé au cercle des premiers lecteurs pour le Festival du premier roman de Chambéry et trois années de suite au festival L’Arpenteur, en Isère. « Cela m’a permis de m’aérer, de rencontrer des gens intéressants, à l’intérieur comme à l’extérieur de la détention. Je me suis préparé à la sortie ».

Perspectives d’avenir
Il avait besoin de cette pause de quelques mois avant de remettre le pied à l’étrier. Prendre le pouls de la société, s’habituer à son rythme. La vie lui semble bien plus stressante qu’il y a 14 ans, tout va plus vite, toujours plus de contrôles… Et le mur administratif auquel il est confronté n’arrange pas les choses. Tout paraît bien compliqué… Malgré tout, Alain tente de rester positif, et vit tout cela comme une nouvelle étape à franchir. Il espère reprendre le travail bientôt (son employeur l’a conservé dans ses effectifs), recouvrer son autonomie financière pour finir d’indemniser les parties civiles et entamer une nouvelle page de sa vie…

Fabienne Bouchage

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