Qu’en est-il de cette fameuse retraite, dont tout le monde parle comme s’il s’agissait d’un aboutissement idyllique, ou comme si l’existence commençait vraiment lorsque l’on vous éloignait définitivement de tous ces joyeux productifs qui partageaient vos bidules de professionnels. Cela pour vous livrer en pâture aux loisirs nombreux et longuement espérés au cours de vos durs moments de labeur ; quand de petits chefaillons surexcités du coin vous tapaient sérieusement sur les nerfs.

Le départ commence généralement par un pot d’adieu là où un administratif, bien cravaté et soigneusement appointé, raconte des tas de sornettes de circonstance pour décliner vos mérites et toutes vos qualités de travail de dévouement, de courage, d’initiative, de participation, etc.

Enfin tout ce que vous n’avez jamais entendu dire auparavant et jamais retrouvé, bien valorisé en monnaie « sonnante et trébuchante », dans les calculs hermétiques de votre sacro-sainte feuille de paye.
Mais le verre de pétillant à la main et souriant comme un bébé tout neuf, avec ou sans dentier, vous vous étonnez d’abord de tant de compliments et vous écoutez tout ce qui est dit sur vous comme si vous preniez connaissance du bonhomme extraordinaire que vous êtes vraiment. Dans une espèce de révélation soudaine et étonnante qui vous élève en héros fugitif, à la gloire du super retraité, privilégié et « nanti ? », que vous allez devenir.

Si en plus on vous colle la Médaille du Travail pour vous encourager à ne plus rien faire du tout, là vous touchez au summum de la mise en demeure, celle de prendre vos petites affaires et de débarrasser le plancher le plus rapidement possible. Fissa, fissa, pour laisser vos petits copains continuer à travailler consciencieusement à la prospérité des belles affaires de l’entreprise concernée. On peut même vous rajouter, avec une pointe de sarcasmes policés que l’on espère vous revoir de temps en temps, mais pas trop souvent quand même. Point à la ligne : sourires, au revoir et bonne retraite.

La suite se déroule généralement dans un quotidien complétement domestique où tout est différent, le réveil est tardif et là Marcel redécouvre sa bobonne, ou Simone son bonhomme. La vie de couple s’installe dans une aventure où chacun se supporte dans la durée avec le sentiment d’être observé de façon permanente ou même de façon tyrannique par un conjoint (te) plus ou moins exigeant, voire autoritaire.

La sempiternelle question « Alors Marcel qu’est-ce que tu vas bien encore nous fabriquer aujourd’hui ? » rappelle à l’individu retraité qu’il a des devoirs d’activités, que sa liberté retrouvée l’installe dans un système matrimonial qu’il n’avait jamais imaginé auparavant. D’où le conseil salutaire et rarement exprimé, pourtant vital à l’harmonie d’une douce retraite : « Avant de vous barrer, M., Mme, songez d’abord à avoir de très, très, bonnes relations avec votre Simone ou avec votre Marcel, selon le cas, sinon ça risque d’être extrêmement pénible ! »

Ceci devrait être pris en compte, sérieusement, dans les recommandations sociales de ces remarquables formations de départ en retraite. Des préparations qui devraient faire l’objet d’un apprentissage sanctionné par un certificat adapté. Un C.A.R ou Certificat d’Aptitude Retraite, avec ses multiples déclinaisons, entre un C.A.B pour Boules, Bricolage ou Bridge, un C.A.C.P.T pour Chasse, Pêche et Traditions ou encore un C.A.F.T pour Farniente Total, ce dernier pour les plus doués. Diplôme à remettre par la Caisse de Retraite après 42 annuités.

Puis la vie s’installe peu à peu, Marcel retrouve des copains, il se balade en touriste, en ville, les mains dans les poches et en passant sous les barrières d’une école de filles, il est interpellé par une gamine plus délurée que les autres qui lui assène joyeusement un « Bonjour Pépé » bien appuyé. Une façon brutale de lui rappeler qu’il n’est plus tout à fait le jeune homme qu’il espérait prolonger dans sa retraite, que ses cheveux ont blanchi, que son regard traverse des doubles foyers et que ses hanches anticipent déjà des options mécaniques bien huilées pour continuer à fonctionner. De quoi le rendre plus philosophe pour apprécier les douceurs de son foyer où sa Simone l’observe, avec la tendresse de son âge, pour lui rappeler ses gouttes, sa tisane ou son sirop.

Avec elle il partage une petite retraite qui se grignote d’année en année pour se réduire à l’essentiel d’une portion congrue et si d’aventure il retrouve sa fameuse médaille du travail il se dit : « Quand même, ça c’était le bon temps ! »

Le temps où il avait tout à donner, de sa jeunesse, de son énergie et de son amour pour les autres et pour la vie et pourtant, ça s’est passé si vite.
Alors profitez de votre jeunesse, de votre énergie, de vos amours et de votre boulot !
La retraite ?

Paul Gamberini

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