Cerise, l’égérie du Salon de l’Agriculture 2016 est une bazadaise, une vieille race rustique du Sud-Ouest sauvée in extremis de l’extinction.

Les « laitières » se nourrissant exclusivement d‘herbe et de foin comme Cerise sont une minorité en France.

Pas assez rentables pour la filière, avec 4 000 litres de lait à l’année, les éleveurs leur préfèrent la holstein, beaucoup plus productive. Véritables « formule 1 » de l’industrie agroalimentaire, l’essentiel des vaches que l’on trouve dans les élevages sont génétiquement profilées pour donner jusqu’à 10 tonnes de lait par an. Souvent élevées en hors-sol, en bâtiments à logettes, sans accès au pâturage, nourries à base d’ensilage de maïs et tourteaux de soja OGM importés d’Amérique du Sud, elles nécessitent de nombreux soins vétérinaires, triste conséquence de leur épuisement…

Des ventes de lait en chute constante

« Papa, c’est quoi cette bouteille de lait ? ».
Dans les années 90, une célèbre marque utilisait l’humour pour vendre sa « toute nouvelle bouteille de lait UHT haute conservation, qui conserve au lait tout son bon goût ». 25 ans plus tard, l’heure n’est plus à la fête. Les ventes de lait sont en chute constante, les consommateurs se détournent de cette substance vidée de tous ses nutriments. Un produit loin du nectar que nous faisait boire notre grand-mère, sans goût et de plus en plus indigeste. Un lait de partout et nulle part, qui a parcouru des kilomètres de routes et de tuyauteries dans les raffineries.

De nombreux scientifiques ont tiré la sonnette d’alarme à propos de la responsabilité des manipulations administrées au lait industriel dans la prévalence des intolérances et allergies. Sans être entendus. Les consommateurs, eux, explorent d’autres territoires alimentaires : la tendance est aux régimes « sans lactose », « laits végétaux » et yaourts au soja gagnent du terrain dans les rayonnages. Adieu yaourts au lait entier, fromage blanc et chocolat chaud au bon goût de crème…

Entre militants « antilaits », soutenus par les lobbies céréaliers, et les « conservateurs » motivés par des arguments sécuritaires (pour ne pas dire économiques), le débat fait rage.

N’a-t-on d’autre issue ?

Boire du lait animal dénaturé et industriel, ou ingurgiter du « lait végétal » tout aussi dénué d’intérêt ?

Dans son ouvrage “La vache qui pleure” la journaliste Véronique Richez-Lerouge, présidente de l’association Fromages de terroir, lève le voile sur les dessous de l’industrie laitière et nous ouvre une troisième voie : réhabiliter le lait cru.

Le lait cru, l’autre alternative

« Le lait cru, c’est l’irréductible, donné pour mort et pourtant toujours là ».
De plus en plus rare dans le commerce, le lait cru est un ovni, tant notre société a été dressée à l’hygiénisme et a perdu le sens commun.
« Ce Nectar protéiforme porte en lui le mystère du terroir et les stigmates d’une biodiversité mise à mal » décrit l’auteur.

Le lait cru est riche en micro-organismes vivants et en protéines thermosensibles détruites par les traitements industriels classiques ; plus digeste, il présente par ailleurs des qualités gustative et nutritionnelle incomparables aux laits standarisés.
Des caractéristiques que nos ancêtres buveurs de lait connaissaient bien…

Le lait cru, Gilbert, Marie-Annick, Alexis et Maurine du GAEC La Ferme du Champ du Puits, à Peyriat, le défendent depuis longtemps.

Comme Cerise, leurs 28 vaches mangent de l’herbe et du foin, quelques céréales bio cultivées localement pour compléter. Avec 5500 litres / an et par animal en moyenne, on est loin des performances (surnaturelles) de la holstein !
Ici, on privilégie « un élevage très extensif » et le bien-être de l’animal. Leur lait cru bio est issu de la traite du soir et ne subit aucun autre traitement que la réfrigération. Conditionné le lendemain, il doit être vendu et consommé dans les 5 jours.

Fragile, mais quelle saveur !
Contrairement aux idées reçues, le lait cru peut être consommé tel quel, il est aujourd’hui très contrôlé.

« Certains consommateurs choisissent de le chauffer pour le conserver plus longtemps, précise Marie-Annick Gros, mais c’est presque dommage, pour un produit d’une telle qualité ».

Après quelques années de vache maigre, les ventes repartent à la hausse, preuve que ce nectar-là n’a rien à voir avec son pendant industriel…

+ d’infos : La Vache qui pleure (Nouveau Monde Éditions), de Véronique Richez-Lerouge. Ferme du Champ du Puits 01430 Peyriat. Tél : 04 74 75 64 55

lechampdupuits@gmail.com (produits en vente également à Bugey Côté fermes)

Fabienne Bouchage,
Diététicienne Nutritionniste diplômée

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