Et puis, à force de tout vouloir réduire de la substance de nos vieilles traditions ou de notre culture, il devenait possible à certains esprits, illuminés par des convictions douteuses, de changer le style de notre bon vieux calendrier.

Finis les Saints et leurs mystères, finies les fêtes et leurs connotations de pieuses émanations, on sentait poindre le désir d’un grand ménage pour uniformiser tout le monde dans un vaste espace vierge d’influences ou d’histoire. On se souvient, quand même, que notre calendrier avait été sérieusement malmené au cours de la Révolution mais qu’après quelques années chaotiques de difficiles adaptations, il avait réussi à survivre et à retrouver son originalité. Ouf ! On utilisait de nouveau ce qui avait balisé les siècles et qui reliait nos lointains ancêtres au ciel profond de leur panthéon sacré.

Les Saints martyrs sortaient de leur exil forcé et la crèche de Noël souriait de nouveau aux regards béats de nos petits bonshommes attendris. Et là tout le monde était content. Mais voilà, cette manie de tout vouloir modifier pour satisfaire les caprices du temps risquait de ressurgir et de travailler de façon épidermique d’incorrigibles maniaques de table rase. Aussi, pour apporter un peu de fantaisie à ces désirs récurrents, j’imaginais ce que pourrait être un nouveau calendrier conforme à l’esprit particulier du moment.

Ainsi, tout en conservant le jour de l’an, le premier mois de l’année, souvent toussoteux, pourrait s’appeler « Sécu » avec toute sa pharmacopée de saints déployés au cours de ses 31 jours, allant de sainte Tisane à sainte Potion en passant par saint Onguent, sainte Aspirine, saint Sirop, sainte Pommade ou même très saint Antibiotique.
Le deuxième mois pourrait s’appeler « R.T.T glacé » avec sa brochette de saints tirés de leurs montagnes enneigées, comme saint Planté-de-Bâton, sainte Godille, sainte Gamelle et saint Samu, ce dernier pouvant être invoqué par les plus amochés. Le troisième mois pourrait être remplacé par « Peace and Love », histoire de neutraliser la tradition guerrière de mars, avec des incitations pacifistes tournées vers l’amour et des saints adaptés comme sainte Séduction, sainte Tendresse, sainte Brève-Rencontre et sainte Protection voire même sainte Abstinence pour les plus coincés. Ensuite avril pourrait s’appeler « Décision » afin de choisir le bonhomme politique capable de garantir un avenir idyllique complétement assisté et entouré de sainte Allocation, sainte Distribution, saint Social et saint Partage sans oublier sainte Promesse-Rarement-Tenue.
Puis mai serait appelé « Loisirs » avec un premier jour consacré à la fête du Temps-Libre et une profusion de saints allant de sainte Glandouille à sainte Contemplation, sans oublier, bien sûr, sainte Pétanque ou sainte Pêche-à-la-Ligne.
Avec Juin, rebaptisé « Espoir » on conserverait celui d’avoir un été superbe et pieusement demandé à sainte Météo avec son cortège de sainte Dépression, de saint Baromètre, de saint Anticyclone et pourquoi pas de sainte Averse ou de saint Arc-en-Ciel.
Quant à juillet on voit mal comment le convertir autrement qu’en « Soleil » avec des saints correspondants comme sainte Canicule, sainte Sécheresse, saint Parasol, saint Barbecue, sainte Merguez et saint Pastis-Bien-Frais.
Ensuite pour août on aurait « R.T.T Bronzé » avec les saints qui protègent et agrémentent les plaisirs de la plage comme sainte Crème-Solaire, saint Sable-Chaud, sainte Drague et très sainte Conclusion….
De septembre on pourrait le nommer « Rentrée » avec sainte Grogne et autres saints du même genre pour adoucir les traumatismes d’un pénible retour au boulot.
Octobre se retrouverait en « Morosité » avec sainte Feuille-Morte ou saint Brouillard.
Puis novembre transformé en « Tristesse » avec saint Chrysanthème et saint Souvenir avant de voir poindre le dernier mois de l’année appelé « Lumière » avec sa clique de saints, de sainte Electricité à sainte Guirlande en passant par saint Jouets et saint Foie-Gras, on pourrait même ajouter saint Pétillant pour les inconditionnels de bulles.

Voilà, il ne me restait plus qu’à consulter mon ami Marcel pour avoir son avis et sa réponse fut à la hauteur du personnage :
« Si un jour ils en arrivent à me bousiller ma fête de saint Marcel, le 16 janvier, alors là, je monte au créneau et je demande à saint Gourdin de leur remettre les idées en place ! »
Saint Marcel, Diacre martyrisé à Chalon sur Saône (177).

Paul Gamberini

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