Profondément marqués par les interminables atermoiements, bouleversements, déchirements, angoisses, déceptions, soulagements ou bonheurs de nos derniers épisodes électoraux, certains en arrivèrent à se détester sauvagement pour des raisons surprenantes d’incompatibilités politiques.

La tension était parfois si vive que l’on pouvait craindre des ruptures de situations matrimoniales réputées sans histoire ou des altercations violentes d’électeurs antagonistes. De celles capables de nous coller sur le carreau de solides couples engagés dans de belles aventures aux tendres romances et aux nombreuses intimités délicieusement abouties : la fin des douceurs promises, des petites surprises et des voluptueuses complicités, sans oublier les sarcasmes aigres-doux de zigotos bousculés par des convictions contraires.

De ces contrariétés qui s’expriment généralement dans des confidences de cabinets, au cours de consultations, ou ironisées dans des ambiances de comptoirs :
« Vous comprenez, docteur, mon compagnon est aux antipodes de mes conceptions philosophiques, il est très marqué par une extrême droite sectaire et moi je m’associe volontiers aux idées généreuses d’une gauche plutôt révolutionnaire ! On ne peut plus se supporter ! Il me traite d’hologramme parce qu’il prétend ne plus rien sentir du tout lorsqu’il lui arrive de me prendre dans ses bras et moi j’ai toujours l’impression qu’il me palpe, de partout, de façon vigoureuse, pour bien s’assurer que je ne cacherais pas un immigré clandestin, c’est stupide, c’est insupportable, il me faut un traitement adapté aux couples déboussolés ! »

Puis, dans d’autres circonstances :
« Vous avez remarqué les nouveaux comportements de Séraphin ?
Désormais il nous regarde de haut ! Depuis qu’il a basculé d’une gauche fragile vers un centre super accueillant il n’arrête plus de marcher, il a déjà fait deux fois l’ascension du Colombier à pieds et il se prépare pour le Chemin de Compostelle !
Il est émerveillé par ce qu’il lui arrive de résultat électoral et je ne serais pas surpris d’apprendre qu’il espère pouvoir marcher sur l’eau, un jour !

Il est transcendé par des perspectives d’avenir éblouissant et ne parle plus que de godasses à clous, que de brodequins à lacets, de mocassins légers, de hauts talons ou de charentaises souples et confortables pour se soulager les ampoules !
C’est tout dire ! »
S’ajoutaient à cela des remarques ou des plaisanteries qui fleuraient bon l’ironie d’esprits amusés, prompts à commenter les événements sous une forme de dérision apaisante, comme :
« Cette fois la rose a perdu ses belles pétales, il ne lui reste plus qu’une tige et quelques épines pour accrocher les derniers adeptes d’une cause passablement égratignée ! Comme quoi les fleurs ne devraient jamais être associées à ce genre de mouvance politique, elles finissent toujours par faner un jour ! »

Ou :
« On m’a raconté que les gens de droite sont tellement perturbés que les plus tenaces se sont remis à écouter la B.B.C, à la recherche d’annonces éventuelles du Général qui se seraient perdues sur les ondes de 1944 ! C’est dire s’ils sont désemparés ! J’imagine assez bien ce qu’ils pourraient entendre : pom, pom, pom pom ! Ici Londres, les Français parlent aux Français ! Veuillez écouter les messages suivants : (Les godillots sont aux affaires. Toutes les semelles sont renouvelées.)- Ou – (Les chaussettes de l’archiduchesse sont complétement râpées. Tous les trous seront reprisés) – »

Et là il y a du boulot !
Autant dire que cet amalgame donnait l’impression de conceptions tellement différentes qu’il pouvait être difficile de les unir dans un même esprit de solidarité s’il n’existait pas, quelque part, une philosophie solide et universelle comme celle de mon ami Marcel :

« On est en plein folklore habituel, ça grogne et ça rouspète puis le temps passe, il alimente le fond-de-commerce des humoristes et les choses s’apaisent !

Puis de nouveau ça grogne et ça rouspète pour de nouvelles élections : c’est cyclique !
Mais il ne faudrait pas que les Sans Culottes d’une époque se retrouvent un jour Sans Godasses, alors restons calmes et contemplatifs !
Pour ma part je me perds dans les douceurs de notre environnement naturel, celui du Bugey resplendissant, paré de ses plus belles couleurs estivales ! Son côté bucolique m’offre le cadre d’un plaisir de vivre qui m’éloigne d’agitations inutiles !
J’aime le vol des hirondelles, le calme des soirées d’été et le souffle léger du vent qui balaie les pensées futiles !
Je reste serein, quant au reste, pom, pom, pom, pom, on verra bien ! »
Merci Marcel !

Paul Gamberini

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