Alors qu’avril nous retenait dans des lainages d’hiver, sans en perdre un seul fil, voici que mai arrive pour nous ouvrir ses plus beaux jours. Il nous offre un ciel lumineux, de multiples éclosions de pistils parfumés, des bourgeons gonflés d’impatience et des feuillages délicats teintés de tous les verts immaculés du printemps. Tout bourdonne autour de nous alors que le soleil retrouve le chemin de son zénith et les nombreux plaisirs de la terre. Pour ceux qui se laissent aller à la rêverie il y a dans ce renouveau, chargé d’énergie, une part de merveilleux qui pourrait donner l’illusion d’un univers fait de contes fabuleux, tant la magie de la nature est à la fois soudaine, éclatante de couleurs, d’exubérances, de beauté et de générosité. De quoi inspirer nos contemplatifs un peu poètes et les éblouir de mille éclats avant qu’ils ne se perdent dans des compositions littéraires fiévreuses chargées d’émotions intenables. De ces élans verbeux, barbouillés à la gloire d’une violette, d’un narcisse, du chant d’un coucou ou de l’envol d’une hirondelle, sans oublier les extraordinaires croissances entrelacées et amoureuses de deux toutes petites graines de haricot. Mais pour ceux qui ont la mémoire de nos vieilles traditions il leur est difficile de ne pas évoquer la formidable incitation de saison, quasi libératrice et propice à toutes les audaces possibles : en mai, fais ce qu’il te plait.
     Un rappel enthousiasmant qui pourrait cantonner les plus conventionnels dans une logique purement vestimentaire, en les invitant à remettre aux placards tout ce qui les protégeait des derniers frimas.
Encore qu’un mauvais courant d’air résiduel pourrait les précipiter, de nouveau, aux hospices secourables de la fameuse Carte Vitale. Mais plutôt que de rester dans cet état de frilosité pourquoi ne pas se laisser aller complétement et se dire, qu’après tout, on pourrait profiter de ce beau mois de mai pour faire ce que l’on a envie de faire, depuis longtemps, et que l’on ne fait jamais. Consacrer le fameux conseil de saison à d’autres fantaisies plus universelles, des plus loufoques aux plus raisonnables, des plus profanes aux plus bénites, sans oublier de rester dans les limites sacro-saintes de la bienséance. Histoire de se défouler dans une ambiance bon enfant faite de tolérance, de joyeuses manifestations aux comportements différents et tirées de nos instincts les plus naturels. Une sorte de célébration païenne offerte à la terre, à la vie, à l’amour, au renouveau et aux lustres de mai.
     Bien que cela puisse traverser quelques esprits enjoués, il n’en demeure pas moins que conditionnés comme nous le sommes, un relâchement de nos habitudes n’est pas aussi facile à laisser filer. Quelques hurluberlus exubérants, à la sève montante, pourraient bien se teindre les cheveux en vert fluo, sauter de joie, chanter dans les rues, marcher sur les mains ou embrasser tout le monde en usant de séduction pour apaiser de fortes pulsions naturelles, ou se perdre dans une danse endiablée du style Sacre du Printemps, ils ne feraient que distraire la curiosité passive de pas mal de zigotos soporifiques du coin. Sans plus.
     Alors, pour célébrer ce beau mois de mai et faire ce qu’il nous plait, il est bon de ne pas oublier les deux fêtes liées à la survie de l’espèce : celle du Travail et celle de la Fête des Mères. Deux journées qui se retrouvent à clignoter leurs symboles lumineux à quelques temps d’intervalle. Le premier, aux senteurs de muguets, pour nous rappeler qu’il est précieux de pouvoir gagner sa croûte honorablement et le second pour se souvenir des gazouillis de nos bambins tout frais, tout neufs et souriants. De ces miracles de naissances fabriqués avec amour, par des mamans pleines de patience, de tendresse, d’attention, de douceur et de bonheur.
Bonnes fêtes à chacune d’entre elles.
     Si je devais satisfaire aux plaisirs du moment je pourrais me laisser aller à musarder dans nos campagnes pour respirer, écouter, admirer et me baigner de douces lumières. Renouer avec mon enfance, lorsque de simples fleurs des champs se retrouvaient dans un bouquet bricolé mais capable d’illuminer le visage d’une maman soucieuse. Une expression inoubliable qui soulignait un mélange de surprise, d’émerveillement et de reconnaissance ; un moment d’attention précieux où je la sentais attendrie et maternelle au point de tout me pardonner. Je pourrais aussi laisser filer mon imagination pour me retrouver à contempler, une fois de plus, l’une des plus belles représentations picturales de la Renaissance : la Primavera de Botticelli. User de fantastique pour pouvoir parcourir l’espace de l’œuvre afin d’en saisir les subtilités liées à la vie, au renouveau, à la nature et aux malices saisonnières de Cupidon. Avoir le plaisir de côtoyer les personnages et sentir la puissante du printemps ainsi illustré qui éveille aux tentations les plus naturelles de la vie… Mais jamais personne n’a encore réussi à pénétrer dans le décor d’une peinture pour en partager l’esprit ou pour en comprendre le message. Dommage mais il est vrai qu’une œuvre de Picasso pourrait nous faire hésiter, au risque d’en ressortir bizarrement bidouillé. Aussi faut-il retrouver le bon sens des choses et nos habituelles réflexions du coin :
-Oui bon ! Moi je veux bien m’ôter ma petite laine pour retrouver la chaleur du soleil, mais pour le reste. Si on n’avait que le mois de mai pour faire ce qu’il nous plait vraiment ce serait une véritable catastrophe. On aurait une flopée de minots en début d’année puis plus aucune naissance après : un ravage d’horoscopes. Moi je fais ce qu’il me plait toute l’année, comme tout le monde, et tout va bien !
-De quel signe es-tu ?
-Verseau, ascendant Bélier, mais ça ne veut rien dire du tout!
-Si, ça veut dire que tu es un amour du printemps, un vrai petit bonheur de mai. Voilà, et c’est pour ça que tu fais toujours ce qu’il te plait !
Vive le mois de mai.

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