Elles s’appellent Myriam, Sarah et Lena*. Elles ont entre 11 et 14 ans, sont élèves de 6ème, 4ème et 3ème. L’une a des ancêtres polonais, les deux autres un père kabyle. Comme beaucoup de jeunes de cette génération, leur identité culturelle est multiple, résultat de l’héritage transmis par leurs parents, mais aussi de l’influence de la télévision, de leurs lectures, des réseaux sociaux et de leurs camarades.

Ce vendredi 16 octobre, elles ont fêté l’arrivée des vacances de la Toussaint, toutes à leur joie de se retrouver entre cousines pour la semaine à venir.

Vendredi 16 octobre, c’était aussi le jour de l’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie décapité pour avoir voulu enseigner la liberté d’expression à ses élèves de 4ème.

Cet acte odieux est venu s’ajouter à la longue liste des barbaries dont les enfants des années 2000 sont, d’une certaine manière, témoins. Après le journalisme, le judaïsme, la police, le spectacle, les terrasses… c’est l’école qui est visée.

Pour les 3 cousines, l’effroi et l’émotion dans lesquels sont soudainement plongés les adultes de la famille est difficile à appréhender. « Tu pleures mais tu ne le connaissais même pas… » objecte l’une d’elles. Une autre se dit « gênée » que sa mère participe et les emmène aux rassemblements en hommage au professeur assassiné, croyant « qu’on en veut à tous les Musulmans, et donc à Papa ». Alors, il faut faire preuve d’une grande patience, trouver les mots pour expliquer : les valeurs de la République, le fanatisme religieux, la gangrène des réseaux sociaux…

Tout avait commencé comme une « banale et pénible » histoire de collège, avec des parents véhéments et un enseignant critiqué dans l’exercice de son métier.

Quinze jours plus tard, Samuel Paty a eu la tête tranchée parce que l’un de ses cours avait déplu. C’était un professeur courageux qui tenait bon dans un monde aux atermoiements délirants. Professeur d’histoire-géographie, c’était justement la profession de la grand-mère des trois filles.

C’était il y a 20 ans, une éternité…

* Les prénoms ont été modifiés

Fabienne Bouchage

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