Il était une fois dans un pays imaginaire, le Blablabla, un groupe de décideurs qui avait décidé de décider de quelque chose. Ce qui pouvait paraître étonnant quand on savait qu’ils avaient été désignés pour décider mais que par manque d’esprit de décision, ils ne décidaient pratiquement jamais rien. Mais cette fois-ci, la chose avait son importance puisqu’il s’agissait de savoir si on allait autoriser, ou non,  le Père Noël,  à faire sa distribution habituelle dans la nuit du 25 décembre. Car on était en période de confinement et la propagation d’un virus redoutable, difficile à maîtriser, faisait craindre l’émergence d’une épidémie  incontrôlable. Surtout si le Père Noël, dans son insouciance de surnaturel non vacciné, peut-être positif, s’amusait comme à son habitude à se balader d’une cheminée à l’autre. Cela sans autre forme de conscience que celle de pouvoir satisfaire à l’émerveillement de la nuit la plus douce, attendue par tous les bambins de son grand répertoire. Et ils étaient très nombreux.

      Malheureusement, pour pouvoir l’avertir, personne ne savait où il résidait. On parlait souvent d’un pays froid, avec son folklore de traineaux tirés par des rennes qui s’inscrivait dans la légende du pays, mais malgré plusieurs tentatives engagées par les services secrets, rien ne permettait de localiser le lieu de son grand business annuel. Aucun document officiel ne figurait dans les registres de l’économie du pays, il était donc caché, quelque-part, en situation irrégulière. Certains commençaient même à douter de son existence ;  mais parmi le groupe de nos décideurs, la majorité savait que lorsqu’une croyance était bien ancrée dans les esprits de citoyens crédules, obéissants et passifs, le mieux était de l’exploiter afin de leur faire croire à n’importe quoi. Et cette fois, encore, il s’agissait d’entretenir cette perception pour amplifier le risque d’une menace d’infections. Ainsi, d’un jour à l’autre, grâce à une grande campagne d’informations, le Père Noël était interdit de séjour sur tout le territoire du pays. Une situation inédite qui perturbait l’imaginaire des enfants et qui agaçait certains adultes méfiants qui se demandaient s’ils devaient croire au Père Noël ou à l’incurie des décideurs. Les plus critiques n’hésitaient plus à proclamer, fortement, leurs appréciations : « Cette fois ça-y-est, on a gagné le pompon, ils veulent nous faire croire au Père Noël, juste pour nous foutre la trouille, dis-donc ! »

     Les choses auraient pu en rester là sans l’intervention d’une petite fille nommée, Anne Fleur de Prune, laquelle, derrière son masque de protection, vivait le cauchemar de la situation. Pour elle, la meilleure façon de combattre le virus malfaisant était de faire intervenir le Père Noël à qui on ne devait pas interdire l’espace du pays. Surtout parce qu’elle avait déjà formulé sa demande de cadeaux et qu’elle comptait bien recevoir une trousse médicale avec laquelle elle pensait pouvoir aider le service des urgences. Connaissant le caractère de son père, un grognon de bon aloi, courageux et clairvoyant, elle lui demanda de ne pas bloquer le passage de la cheminée comme cela était exigé par les décideurs, lesquels avaient promulgué une loi méchante construite autour de sanctions sévères et dissuasives. Ce n’était pas vraiment la joie dans le beau pays imaginaire du Blablabla.

Et puis ce qui devait arriver arriva ! Le Père Noël mis au courant par ses réseaux extraordinaires d’informations brava l’interdit et s’attarda sur les cheminées accueillantes ; son G.P.S, modèle 25 décembre, lui permettait de les localiser avec une rapidité fulgurante et indétectable.

    Et c’est avec un plaisir malicieux qu’il déposa au pied d’un beau sapin lumineux une belle trousse médicale, de modèle CM2++. Le lendemain, de très bonne heure, Anne Fleur de  Prune, à peine éveillée et pleine d’émotions, resta un moment devant ce qui comblait ses espérances : des instruments divers en forme de jouets qui allaient l’initier, de manière ludique, au métier qu’elle souhaitait pratiquer un jour. Mais ce qui l’intrigua davantage,  c’était la présence d’un document très lourd et volumineux sur lequel elle pouvait lire : Etude microbiologique complète pour l’élaboration d’un vaccin permettant l’éradication de l’épidémie

  C’était extraordinaire. Le document transmis auprès d’un laboratoire renommé fut vérifié puis validé et c’est avec une rapidité soutenue que l’on put vacciner toute la population. Ainsi, grâce au Père Noël, l’épidémie était contrôlée et les décideurs retrouvèrent bientôt d’autres sujets de décisions sur lesquels, comme d’habitude, ils n’allaient rien décider du tout. On était de retour dans la bonne vieille routine du Blablabla.

Paul Gamberini

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