Il était une fois un gros mensonge qui n’avait jamais dit la vérité. Sournois et dissimulateur il promenait ses propos doucereux de bouches à oreilles en bouches à oreilles, de créatures crédules en créatures crédules, dans une sorte de murmure confidentiel qui se laissait entendre. Alors que le temps s’écoulait il ne cessait de grossir et plus il grossissait plus on le croyait. Fort de son audience il devint tellement énorme, gonflé de suffisance et de conviction, qu’il finit par être courtisé par tout ce que le monde comptait de fieffés menteurs, de désinformateurs notoires ou de pouvoirs mal assurés.

Il s’immisçait dans des programmes d’information, on l’écoutait dans des échanges de discussions scabreuses puis il nourrissait les discours teigneux de leaders complétement déjantés ; il apparaissait aussi dans les journaux du soir et même dans ceux du matin. Dans les sociétés, nombreuses, où le mensonge avait vertu suprême de discours officiels il faisait des émules et comme rien ne venait contrarier son influence diabolique il contribuait aux plus forts matraquages de la pensée unique.
Il était sur le point de démarrer une start-up du mensonge organisé lorsque des choses embarrassantes et taquines vinrent gêner son irrésistible ascension.

On était à la veille de Noël et une rumeur étrange commença par se propager visant à ternir la magie du moment. On racontait partout que le Père Noël n’existait plus, que tout cela relevait d’une naïveté générale qui n’avait plus sa place dans une société en profonde mutation, laquelle devait s’adapter en se dépoussiérant de ses superstitions désuètes ou de ses croyances épuisées. Les plus éveillés ne tardèrent pas à comprendre la perfidie du message avant d’en deviner l’origine, mais muselés dans une ambiance amidonnée d’arguments fanatiques ils étaient condamnés au silence.

Les conséquences de cette terrible nouvelle étaient parfois tragiques.
Dans les maisons de retraite, où les plus fragiles retrouvaient des comportements d’enfants, la disparition annoncée du Père Noël avait des effets dévastateurs.

Dans les écoles les moqueries brutales de galopins menaçaient les maternelles, c’est alors qu’une charmante dame, gentille fée de belles histoires du nom d’Isabelle Imaginaire, décida d’intervenir. Elle entreprit immédiatement d’écrire un conte approprié, en forme d’initiation, lequel évoquait les menaces d’un énorme monstre de mensonges, du nom de Bugiardo, grand dévoreur de vérités. Lequel se propageait à la vitesse d’une malédiction gonflée de terribles convictions. Seuls deux enfants, Antoine et Marinette, réussirent à l’éviter en s’enfuyant dans la forêt, là ou Bugiardo hésitait encore à pénétrer. Après avoir traversé une première barrière de chênes aux ramures élancées, ils arrivèrent dans une clairière où ils rencontrèrent un étonnant personnage fait de noble assurance forgée aux feux de nombreuses aventures. Il leur parla du courage, de cette fabuleuse attitude, qui permet d’affronter la peur avec l’âme pure, le regard clair et le calme serein des preux chevaliers.

Les enfants écoutèrent son histoire puis ils poursuivirent leur chemin avec une assurance fraîche de solides révélations. Ils pénétrèrent ensuite dans une trouée de charmilles, là où un étrange personnage caressait sa musique sur les cordes harmonieuses d’un très vieil instrument. Sa chanson était emplie de liberté, de celle des artistes qui puisent la perfection de leur art dans la lumière intense de leur inspiration.

Débarrassés de contraintes, ils s’identifient à leurs créations, avec l’impression de vivre, avec elles, dans un monde virtuel fait de beauté, d’humour, d’indépendance et de libre pensée. Séduits par ce message Antoine et Marinette hésitèrent avant de le quitter pour poursuivre et pour se retrouver à l’orée de la forêt, là où une vieille dame, grand-mère de tendresses, de pieuses broderies et de confitures, les attendait. Elle s’activait sur un ouvrage qui ressemblait à son âge et qui représentait les traditions, l’image du passé et son inépuisable héritage de bon sens, tout ce qui commandait au respect, aux devoirs de reconnaissance et de mémoire accordés aux anciens.

Auprès d’elle ils retrouvèrent la magie des légendes, la fantaisie des contes, les pouvoirs de l’imagination, les plaisirs du rêve, l’émerveillement et la certitude du Père Noël. Enthousiastes et confiants de tout ce qu’ils venaient de découvrir de courage, de liberté, de traditions, d’humour et d’imaginaire, Antoine et Marinette étaient confortés dans leur détermination de ne jamais se laisser influencer par le pouvoir maléfique du mensonge ou par d’autres manipulations douteuses.
Ils contemplèrent les couleurs du ciel et la beauté de la nature qui les entourait où tout semblait obéir à un ordre parfait de liberté, de vérité et d’éternité. Derrière eux la menace de Bugiardo s’était dissipée.

Ce conte fut raconté partout le soir de Noël, colporté par la force miraculeuse des communications bienfaisantes qui éveillaient les consciences et affutaient les suspicions. Dépité le gros mensonge qui n’avait jamais dit la vérité se dissimula dans le froid de l’hiver pour ruminer sa disgrâce et affuter les restes menaçants de sa nuisance diabolique.
Et depuis ce temps-là, lorsque que l’on désire vraiment connaître la vérité des choses, on la demande au Père Noël.

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