Et puis on jour on décidera sûrement de tout déménager. Finis les vieux oripeaux qui encombrent nos centres villes, avec leurs histoires, leurs bâtiments, leurs églises et autres monastères incorporés dans un patrimoine complétement fissuré. Finit tout ça, car on en arrivera à tous nous les enlever pour nous les coller à la campagne ou ailleurs. Dans des espaces qui sentent bon, qui respirent le moderne, le futuriste et l’abondance. De ceux des grandes surfaces, des emplacements asphaltés aux bonnes odeurs de goudron et entourés de structures temporaires pour business prospères et bien organisés. De ces baraques ou hangars fragiles destinés à disparaître dans la durée pour ne jamais s’inscrire dans la prestigieuse culture séculaire de nos monuments historiques. Lesquels nous sont précieux et stimulants pour le respect de nos traditions et pour l’éveil de notre imaginaire.

     La crainte m’est venue, lorsque, passant devant la Cathédrale de Belley, j’ai découvert que celle-ci s’enrobait de grands échafaudages. J’ai tremblé en pensant que ceux-ci pourraient faciliter la déconstruction de l’édifice afin de le replacer quelque-part, entre les grandes implantations commerciales de la fameuse plaine de Coron. Car enfin, pourquoi ne pas redouter de tels déplacements alors que la très Sainte Eglise se désole souvent d’un manque de pratiquants et passe son temps en prières afin de quémander du ciel, un peu lointain et sourd, de pieuses fréquentations ? Ceci pourrait l’aider à orienter les consommateurs de biens essentiels vers une dévotion salutaire offerte, immédiatement en face du marché, là directement sur le parking. Une facilité de pieuses orientations qui pourraient se pratiquer dans le silence profond  de pénombres consacrées.

     A ce titre, je ne serais pas étonné qu’un jour, à la suite de décisions administratives, approuvées par un collège d’illuminés farfelus, inspirés par un génie complétement loufoque, que l’on en vienne à déplacer cette Cathédrale afin de l’implanter en face d’une grande surface. Où là, après avoir rempli son charriot (ou son kadi) de victuailles, on pourrait aller remercier le ciel de son extraordinaire générosité avec la promotion extraordinaire accordée aux fruits et légumes, à la baisse des prix du dernier bidule de tablettes ou des offres irrésistibles de tommes de chèvre en provenance de Pétaouchnoc. Merci mon Dieu et Amen,  mais surtout n’oubliez pas le tronc !

Après cela, et afin de tout effacer d’un centre-ville, dont certains se fichent comme d’une guigne, on pourrait réquisitionner le Jet d’Eau pour le mettre au milieu du rond-point Jean Monnet, là où il aurait enfin la place qu’il mérite. Ensuite, la Salle des Fêtes pourrait être vendue aux enchères afin de consolider les caisses municipales épuisées. Achetées par un groupe d’américains fortunés elle pourrait être reconstruite là où on sait encore s’amuser et faire la fête, quelque part comme à la Nouvelle Orléans.

     Car j’aime bien la musique de cette culture chaleureuse. Ou alors la placer dans un musée consacré aux grands sacrifices de déconstructions. La ville de Belley pourrait-être citée en exemple pour son extraordinaire esprit de renoncement car forcée de vendre son patrimoine pour se refaire une santé budgétaire.  Afin de remplacer cette perte douloureuse, on pourrait installer une grande tente ou une bâche sur l’un des parkings aménagés en bordure de la Nationale.

Puis il nous resterait à réfléchir sur les meilleurs emplacements possibles pour y implanter l’Ecole de Musique : sur la route de Parves par exemple ? Quant au Palais épiscopal je le verrais bien installé au Port de Virignin et la Vieille Porte, rebaptisée symboliquement « Porte du Ciel »  pourrait être implantée en lieu et place de la Cathédrale. Pour le reste de la ville, les rues deviendraient complétement désertes à l’image d’une Pompéi contemporaine livrée aux archéologues et ouverte au tourisme de masse d’origines diverses. Dont des Italiens :

« Non dimenticare di visitare la Casa dei Fornai, dei Fiori e le Rovine del Palazzo Municipale. Touto é stupenda ! »

Bien sûr, j’ai parlé de tout ça avec mon ami Marcel qui a eu cette réponse étonnante :

     « -Tu peux toujours délirer, comme d’habitude, mais il n’empêche qu’ils veulent déjà nous déplacer la piscine !

     -Et bien tu vois, Marcel, mes craintes sont parfaitement fondées, ça commence souvent avec la piscine !» 

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