Voilà une belle initiative qui méritait d’être élevée à la mesure d’un événement annuel, tant elle est destinée à éveiller notre attention sur les curiosités précieuses qui nous entourent. De ces structures ou de ces créations diverses qui s’intègrent dans notre environnement pour en marquer le caractère, mais qui disparaissent, parfois, dans l’indifférence de nos préoccupations habituelles.

  On a beau résider au cœur d’une ville, d’un village, à l’ombre de la Cathédrale, d’un Clocher de campagne ou de déambuler dans une belle Rue passante pour promener notre oisiveté, c’est à peine si on s’attarde sur l’importance de notre patrimoine, sur ce bien commun lié à notre histoire et qui encadre nos plus vieilles traditions. Et pour cela il est bon de s’arrêter un moment, de temps en temps, pour redécouvrir, pour admirer ou pour s’émerveiller tout en rêvassant sur les mystères de nos anciennes constructions, sur l’imaginaire de leurs mémoires pénétrées par les siècles et sur la maitrise artistique, extraordinaire, de leurs bâtisseurs.

      Pour ce faire, le programme des visites proposées au cours de ces journées est chargé, on parcourt la ville ou la campagne en écarquillant les yeux sur ce qui existe autour de nous, mais en y accordant davantage d’attention. Parfois avec la curiosité portée par un historien d’occasion ou par celle d’un archéologue improvisé. Ainsi on contemple en s’efforçant de comprendre les mystères, sérieusement, comme pour éprouver un sentiment d’appartenance qui nous rattache au passé. Aussi, pour garder en mémoire le plaisir de ces découvertes qui nous plongent dans l’histoire, le mieux serait d’être accueilli par un personnage grimé à la mode de l’époque concernée et capable d’évoquer, avec talent et ressemblance, les particularités des lieux visités. Et c’est ainsi, avec la surprise de ces rencontres personnalisées, que j’imagine comment pourraient s’agrémenter mes visites.

     Tout naturellement je commence dans la Grande Rue de Belley au N° 62. Je  suis chez Brillat-Savarin et l’hôte de ces lieux n’est autre que son personnage interprété par un artiste admirablement ressemblant. Il s’agit d’un bonhomme de bonne corpulence, bedonnant de gourmandises, accoutré à la mode de l’époque et dont le caractère, à la fois jovial et chaleureux est animé par un soupçon de malice. Il dessine sur son visage un large sourire engageant avant de tout nous raconter de la vie de son modèle et bien sûr, ma curiosité est immense. L’histoire de sa fuite rocambolesque me titille, quand poursuivit par la terreur révolutionnaire il se volatilise astucieusement avec, dans ses bagages, un violon afin d’adoucir, en musique, son statut de réfugié au-delà des mers, en Amérique. Le bavardage est long, passionnant et courtois lequel pourrait permettre de justifier l’un des aphorismes bien connu du personnage représenté : « Convier quelqu’un, c’est se charger de son bonheur pendant tout le temps qu’il est sous notre toi. » Je quitte mon hôte en soulignant l’importance de cette complémentarité inédite entre les secrets d’un lieu visité et la présence physique (théâtrale) de la célébrité rencontrée.

    Plus loin je redécouvre la Vieille Porte, ainsi nommée, par erreur, alors qu’il ne s’agit que d’un passage élevé afin de préserver, de part et d’autre, la discrétion d’un couvent. Et là, une jeune Sœur de la Visitation (admirable de ressemblance) me parle de son renoncement et de sa dévotion tout en me rappelant que la structure et la toiture de l’édifice concerné devraient éveiller l’attention des esprits soucieux de la conservation du patrimoine. J’écoute pour transmettre car c’est pieusement conseillé ! Puis je passe brièvement devant la Cathédrale où j’aperçois Saint-Anthelme sur le parvis entouré de nombreuses personnes, à le voir agité je pense qu’il doit avoir de très belles choses à raconter. Ensuite je me promène dans la rue qui de nos jours porte le nom de celui que je rencontre : il s’agit de Lamartine. Il est tout jeune et soucieux de regagner son collège mais sans oublier de me dire que le lac de Saint Champ est pour lui une source extraordinaire d’inspiration poétique. Une remarque plaisante mais qui m’étonne un peu quand on connaît la suite : « Ô lac, l’année à peine à fini sa carrière…. »

    Ainsi pourrait-il en aller de mes visites, au Château de Virieu-le-Grand  pour y rencontrer, Philiberte de Savoie, ou à  Culoz, au Château de Montvéran, pour avoir la surprise de reconnaître, Prokofiev, dont la musique m’émerveille. Celle de Pierre et le loup me revient en mémoire. Puis je songe à tout ce patrimoine, impressionnant, présent dans le Bugey pour lequel quelques jours de visites ne suffiront jamais. Quant au Pont de Bogniens je vois assez bien mon ami Marcel en train d’étonner ses visiteurs

«Ce n’est qu’un vieux bidule de pierres, ce pont, il ne sert plus à grand-chose mais on le conserve encore un peu pour faire plaisir aux maniaques du patrimoine, comme vous, avant qu’on ne le déglingue pour de bon ! » 

Voilà, et c’est comme ça, parfois, que les belles choses disparaissent !

Paul Gamberini     

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