Carte bancaire, téléphone portable, internet… En France, ces technologies règnent sans partage, comme autant de composantes du quotidien dont on ne pourrait se passer. Est-il encore possible de vivre sans carte de crédit aujourd’hui, par exemple ? Certains irréductibles ont cherché des alternatives à cette « modernité » qui n’est ni gratuite, ni toujours justifiée. BalladíAin a rencontré l’un d’eux, il y a 2 ans. Ses propos sont toujours d’actualité.

 Il s’appelle Gilles A., il a aujourd’hui 75 ans. Professionnellement, il a passé l’essentiel de sa vie à faire de l’élevage de brebis laitières, avec sa femme Marie et sa famille, dans son petit village savoyard. Il a eu des associés aussi, à différentes périodes. Militant de gauche, engagé dans diverses causes sociales et économiques, Gilles est aussi un écologiste convaincu, depuis la 1ère heure.

« Mon regard sur le monde s’est affiné au cours du temps ». Engagé à la Confédération paysanne où il exerce certaines responsabilités départementales durant plusieurs années, il croise des « anciens » dont le regard sur le monde le marque à tout jamais : « ils avaient une analyse très fine des processus de développement dans le monde agricole, applicable à tous les autres secteurs de la société, et de cette « modernité » que l’on nous vendait ».

 « A la Confédération paysanne, j’ai suivi un certain nombre de formations pour emmagasiner des connaissances ». Il y rencontre Philippe Norel, ancien chimiste devenu économiste, figure majeure de l’histoire globale en France.

 « Il nous a montré comment, petit à petit, l’être humain a perdu de l’autonomie, à travers les processus d’industrialisation, la modernisation en général ».

 Avant-gardiste, Gilles s’est souvent vu comme minoritaire. « Mon parcours de vie a fait que je n’ai jamais adhéré à cette libération que l’on nous proposait par un monde hyper mécanisé, aujourd’hui hyper connecté. Quand on mesure toutes les impostures dans cette notion de modernité, on n’y rentre pas avec plaisir ». 

 « Dans les années 80 Philippe Norel théorisait qu’à travers le développement de l’informatique (et c’est encore plus vrai avec l’intelligence artificielle), on s’attaquerait à l’intégrité de la personne. Nous allons remettre aux machines notre pouvoir de décision. Cela m’a rendu vigilant ». 

 S’il a aujourd’hui accès à internet et possède un téléphone portable (minimaliste), Gilles a essayé pendant de nombreuses années de se passer de ces technologies : « Ce processus de dépendance ne me paraissait pas primordial pour ma vie ». Lui qui se définit comme « un traîneur de pieds » a essayé « d’aller au bout du processus ».

 Après des années à parlementer avec sa banque, il a aujourd’hui opté pour une carte de retrait « parce qu’il n’est plus possible d’aller chercher de l’argent au guichet ». « Au début j’essayais de leur faire comprendre que l’informatisation de leur système, c’étaient des emplois qui allaient sauter. Ce n’était pas toujours entendu. Finalement, à coup de restructurations successives, il se sont lancés dans les assurances… ». 

 Avec la fermeture massive des agences bancaires, la disparition des DAB dans les zones rurales et les horaires de guichet réduits, obtenir du liquide devient un parcours du combattant. À cela s’ajoute une pression croissante de l’administration pour tracer les flux et réduire l’anonymat des transactions. Gilles n’a pas fini de se battre…

 Loin des réseaux sociaux et de leurs haters en tout genre, il milite encore et toujours pour le dialogue et la participation citoyenne : « Toute forme de réflexion ou d’apport d’idées ne peut être que le(a) bienvenu(e) ». 

Et de conclure : « J’aime bien les gens, j’irais facilement boire un coup avec eux, quels qu’ils soient. Mais si socialement ou écologiquement je ne suis pas d’accord je me sens en droit de le dire. Sans aucune haine ». 

Fabienne Bouchage

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