Ou la magie des samedis matins quand le centre ville offre le parcours de son vieux patrimoine au retour de nos précieuses habitudes citadines. Quand tout s’anime dans la Grande Rue, ou autour du Jet d’Eau, comme un agréable souffle de vie d’autrefois dans un marché offert aux badauds débonnaires que nous sommes, encore passablement embués par un sommeil résiduel. Et là on déambule, distraitement, heureux de pouvoir flâner au hasard des retrouvailles bavardes ou des échanges possibles devant l’abondance des étalages, tous généreux d’accueil, de qualité et de régularité. C’est le seul jour de la semaine où l’on peut encore se bousculer un peu dans les passages étroit d’une petite foule hésitante ou distraite, parmi laquelle règne le plaisir des rencontres inattendues: « Ah tient, salut Marcel, content de te voir et comment va Simone ? » On savoure l’échange, on partage les émotions du moment, belles ou tristes, puis on se sépare pour s’engager dans une sorte d’aventure heureuse qui force la curiosité et la bonne humeur. Tout cela avec la satisfaction des contacts, de ceux qui nous rapprochent dans une sorte de communauté riche de vieux souvenirs ou de conceptions partagés. On se sent moins seul, le marché nous rassemble, nombreux puis, pour les besoins de nos provisions, on s’attarde devant les étalages de notre choix pour négocier, toujours agréablement, de ce qui devrait conditionner notre bien être d’existence : le cabas s’alourdi de victuailles, d’un livre, de quelques fromages et d’une bouteille puis on repart le pas boitillant, le sourire aux lèvres et le regard satisfait. L’air est frais et le soleil s’engage radieux dans une belle journée de printemps : des gages d’insouciance après les bienfaits d’une proximité matinale revigorante…

     Tout ça ne pourrait suffire à notre fantaisie si on n’ajoutait pas d’autres surprises occasionnelles, comme celles qui nous attirent souvent autour du buste de notre célébrité locale : celui de notre très cher Brillat-Savarin. Et là, on découvre, parfois, un groupe de musique, joyeux de compagnie, aux instruments brillants de cuivres luisants qui s’essoufflent dans un tintamarre de fanfare, relevé par la direction dynamique d’un Chef harmonieusement agité. Les sons se débrouillent entre eux et finissent par se retrouver dans l’espace pour s’accorder sur un rendu puissant et révélateur qui s’inscrit dans le répertoire des nos vieilles traditions musicales : c’est bruyant, c’est sonore, c’est du local et c’est amusant. Puis il arrive qu’une association mobilise l’endroit pour promouvoir, avec quelques oranges ou des tartes au sucre, les raisons de son activité qui peut être sportive, culturelle ou de service, enfin de tout de ce qui peut ajouter une touche de noblesse valorisante à nos bugistes soucieux d’idéaux ou de modèles participatifs. De temps à autres un responsable politique rigide dans ses convictions salvatrices distribue son programme qui promet toujours un ordre nouveau régénérateur de société idéale, mais sans jamais oser menacer celui, immuable, de notre marché hebdomadaire du samedi : Ouf !

On est rassuré et on le remercie poliment.

Enfin il nous reste encore une étape ultime pour parfaire notre cheminement, laquelle se passe inévitablement, entre amis, à la table d’un bistrot. Et là, les commentaires se font dans une sorte de délassement comme si on s’accordait un moment de bonheur pour dire n’importe quoi. Certains rigolent d’autres, les moins marrants, sont sérieusement passifs mais on est bien. Après un moment on ressent les impressions habituelles rappelées par l’un des aphorismes de Brillat-Savarin : ‘‘La table est le seul endroit où l’on ne s’ennuie jamais pendant la première heure’’. 

Après il est temps de regagner le bercail, les achats faits, puis d’annoncer joyeusement : « Aujourd’hui, au marché, j’ai rencontré Marcel et il m’a dit que Simone allait très bien ! » 

Voilà, c’était super, en attendant samedi sur le prochain marché belleysan.

Paul Gamberini

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