L’idée m’en est venue après avoir grogné tout mon sous avec de vieux copains tourmentés par les difficultés du moment. Quand l’obtention d’un rendez-vous médical relèverait presque d’un exploit extraordinaire et quand celui-ci, enfin obtenu, pourrait faire l’objet de célébrations amicales, pouvant devenir rituelles, en l’honneur de l’élu du moment. Un patient heureux, fier comme Artaban et enfin rassuré.

Cela dans des instants d’exubérances joyeuses de bistrots, soutenus par des félicitations et par des libations pétillantes appuyées par de solides : « Bravo Marcel, à ta santé et bon courage chez ton spécialiste, mais pas tout de suite, bien sûr, pas avant deux ou trois mois ! »

Comme il pourrait en être de même pour d’autres rendez-vous avec différents praticiens.

Hélas !

     Tout ceci pourrait paraître caricatural ou fantaisiste mais les témoignages que j’entends, autour de moi, me plongent souvent dans une forme d’anxiété qui vient contrarier le pouvoir extraordinaire de mon inestimable Carte Vitale.

De ce sésame sensé m’ouvrir toutes les portes sécurisantes et immédiates de la santé publique, surtout en cas d’urgence. Je veux bien admettre que nos belles organisations de société puissent pâtir de défaillances passagères mais que celles-ci, promptement remédiées, devraient permettre le retour de fonctionnements satisfaisants.

  Cependant je reste encore dubitatif et je me demande parfois si ma bagnole ne serait pas mieux considérée par la noble et très sympathique profession des garagistes ?

J’en ai pour preuve tous les soins et toutes les attentions qui lui sont apportés quand elle pénètre dans l’espace odorant et mécanisé des bidouilleurs de clés à molette.

De ces maniaques d’allumages, de compression, de détentes et d’autres machins huilés qui font d’un quatre-temps à roulettes un ensemble sécurisé capable d’aller caresser les goudrons de nos chemins de rêves et d’évasions, ainsi que ceux qui mènent sérieusement au boulot et très joyeusement au retour.

Et il en va ainsi pour toutes les bagnoles, car à peine sont-elles prises en mains, qu’elles sont soulevées, que leurs dessous apparaissent pour être examinés, que leurs systèmes d’échappement sont contrôlés, façon proctologie, et que tout ce qu’elles présentent de petites misères, de rouille ou de corrosion, est consigné avant d’aller se faire tripoter par un dermato carrossier délicat.

   De nombreux éléments sont vérifiés comme l’éclairage entre les lumières presbytes ou myopes des phares-codes, style ophtalmo, quant aux pneumatiques et aux qualités du freinage les vérifications sont faites par un généraliste qui traite de nombreuses pathologies mécaniques.

     Enfin il est rappelé que de façon by-annuelle toutes nos bagnoles sont soumises au service technique lequel décèle toutes les faiblesses éventuelles de leurs 132 points de fragilité. C’est dire si elles sont choyées les belles, car quel est le bonhomme qui pourrait se targuer de telles attentions régulières et soignées, portées sur les 132 points délicats ou douloureux de son intégrité physique ?

Bien sûr mon ami Marcel a toujours son mot à dire :
     – Te faire soigner par ton garagiste, tu rigoles, enfin tu peux toujours essayer, mais je doute du résultat, et en plus il ne prend pas la Carte Vitale !
     –  A oui, c’est vrai, je n’avais pas pensé à ça !

Paul Gamberini

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