Le 2 février dernier à Anvers, il remportait avec sa partenaire Adriana Téoli les championnats du monde « dix danses », dans la catégorie séniors 1. Pour Ballad’ain, Rodrigue Vieux revient sur cette journée particulière et sur son parcours de danseur. Rencontre avec un passionné.
Vous avez remporté le championnat du monde « dix danses », pouvez-vous expliquer aux « non initiés » de quoi il s’agit ?
Notre discipline c’est la danse sportive, qui comprend les 5 danses latines (samba, cha-cha, rumba, paso doble, jive) et les 5 danses dites « standards » (valse lente, tango, slowfox, valse viennoise et quick step). J’ai toujours tout dansé, donc c’était vraiment « mon » championnat, ma spécialité. Mais il existe aussi des championnats pour les danses latines ou standard exclusivement.
Cela faisait plusieurs fois que vous le prépariez ?
Nous concourons dans la catégorie « senior 1». Comme dans tout sport, il y a des classes d’âge : les « juvéniles » et les « youth » (moins de 21 ans), les adultes (21-30 ans) et les seniors 1 (30-40 ans) puis seniors 2… C’était la 2ème année que nous faisions ce championnat, l’année dernière nous avons été vice-champions. Et quand on est vice, on a naturellement envie d’être champion… Nous avons donc redoublé d’efforts et travaillé pour essayer d’arriver au but ultime. C’était vraiment l’objectif de l’année, de la saison, de notre vie, de notre carrière… c’était « THE » objectif.
Vous avez remporté d’autres compétitions ensemble ?
En adultes nous avons été plusieurs fois finalistes des championnats de France, mais comme il faut être 1er ou 2ème pour participer aux championnats du monde, nous ne nous sommes pas qualifiés. Puis nous avons changé de catégorie, et là nous avons été champions de France dans les 3 disciplines (latines, standards, 10 danses). Les championnats de danses latines et standards sont plus durs, parce qu’il y a les spécialistes.
Qu’est-ce que cela représente en termes de préparation ?
En fait c’est toute une vie de compétiteur, c’est un cheminement depuis longtemps : j’ai déjà 20 ans de compétition derrière moi. Plus on s’entraîne, plus on prend des cours, plus on fait des compétitions et mieux c’est pour la compétition. Malheureusement c’est un sport où on ne gagne pas beaucoup d’argent, on n’est pas aidé par le club, ni par la fédération, donc on fait ça à nos frais… et à notre âge on est obligé de travailler, gagner sa vie, pour se payer les compétitions.
A quel âge avez-vous commencé à danser ?
J’ai commencé par du modern-jazz petit, pendant 8 ans ; j’ai arrêté à l’adolescence, je n’avais plus envie. A l’âge de 15 ans, des copains m’ont entraîné dans un cours de rock à Bourg-en-Bresse. En groupe ce n’était pas la même démarche. J’ai débuté par le rock, la dance… Le professeur m’a encouragé à faire de la compétition. Je me suis pris au jeu, mes amis aussi. Il y a eu une émulation. Dès la première compétition j’ai tout gagné. Ca m’a motivé…
Et ensuite ?
Première cavalière pendant 6 ans, puis je suis parti un an en Angleterre pour me former spécifiquement à la compétition. Au retour, j’ai changé de club pour celui de Villeurbanne. J’ai commencé à danser avec Adriana il y a 8 ans.
Que fait Adriana dans la vie ?
Adriana habite à Lyon, elle est professeur de danse, travaille avec des étudiants de la Doua et de Gerland, et également avec la ligue de boxe.
Et vous ?
Je donne des cours de danse à Belley (mercredi, vendredi) et Chambéry (lundi, mardi). Nous avons aussi des entraînements pour la compétition 3 fois par semaine. Nous avons beaucoup travaillé en Italie également, avec les champions du monde adultes, les meilleurs mondiaux. C’est simple, c’est 8 heures de danse par jour ! Et il faut ça. C’est le prix à payer, celui de la passion… Heureusement que c’est la passion d’ailleurs, sinon ce serait difficile… Mais bon quand on est récompensé par une belle victoire, on sait pourquoi on l’a fait.
Et le plus dur quand on est passionné comme vous… ?
Le plus dur c’est de gérer sa carrière de compétiteur de haut niveau avec son travail et sa famille. J’ai l’impression de manquer de temps. Je compose, c’est un peu frustrant. On a envie de tout faire bien et puis voilà…
Comment s’est déroulé le championnat cette année ? Je crois savoir que vous vous êtes fait une grosse frayeur ?
Le jour du championnat, on danse de 15 h à 1h du matin, 4 fois les 10 danses. C’est un milieu très sophistiqué, où la plastique est très importante. Nous avions acheté une nouvelle robe pour Adriana, magnifique. En demi-finale, au 3ème tour, ma partenaire a commencé à la perdre ; au même moment, je prends appui pour faire un saut et je glisse sur la robe, mon pied se retourne. Une fois sortis de piste, j’ai regardé ma jambe, ma cheville avait doublé de volume… Là on se regarde tous : coach, préparateur physique, toute l’équipe… Finale des championnats du monde, je savais que nous pouvions gagner et je me retrouve avec une entorse alors qu’en 20 ans de compétition je ne me suis jamais blessé… Que faire ? J’ai serré les dents, un peu sous-dansé mes premières danses car je ne savais pas trop si ma cheville allait tenir. Malgré cela nous avons gagné toutes les danses, sur 90 marques des juges on a eu 86 premières places… Je m’en serais vraiment voulu si je n’avais pas pu danser.
Allez-vous défendre votre titre l’année prochaine ?
Je ne sais pas. Je ne suis pas sûr. Je crois que je suis arrivé un peu au bout de ma passion, je commence à en avoir un peu marre de m’entraîner, d’aller en compétition, ça commence à être pesant. Maintenant j’ai touché le Graal alors… Il faut savoir partir quand on est en haut… D’autant qu’il ya des jeunes qui poussent derrière… C’est ça la compet’ : si toi tu te relâches, les autres en profitent.
Qu’est-ce que cela vous ouvre comme portes ?
Pour le moment je ne peux pas dire encore. Cela me fait une belle carte de visite, j’ai la reconnaissance des fédérations française et internationale de danse, du comité, des mairies… C’est un moyen d’accès à différentes choses. Mais c’est surtout une récompense personnelle vis-à-vis de ma passion.
Quels sont vos projets dans les mois à venir ?
Les championnats du monde de danses latines et standard en juillet. Nous avons aussi des espérances, nous allons nous battre. Il faut s’y remettre… Et puis j’essaye d’arrêter de fumer. Je vapote en ce moment. Il me fallait une échéance, c’était le bon moment…