notes de musique ballad et vous    Mais que deviennent les notes de musique, après qu’elles aient bercé, caressé, charmé, heurté ou affaibli les sensibilités de nos perceptions musicales ?
 Sont-elles éteintes dans le silence du néant ou restent-elles imprégnées dans les ouvrages de nos environnements, dans les voûtes des églises, dans les structures des auditoriums ou dans les vieux murs de nos propres demeures ? Sont-elles présentes autour de nous pour charmer les lieux de nos vagabondages, pour ajouter une touche d’émotion aux secrets de nos histoires, joyeuses, tristes ou romantiques ? Il m’est difficile de visiter un endroit particulier sans que le souvenir de deux ou trois petites notes jaillisse, comme si je provoquais de façon intuitive le réveil d’une musique endormie. Que ce soit au bord de la mer, dans les sillons de nos campagnes ou sur une place publique, il me vient toujours un petit air de romance pour adoucir une nostalgie, tirer un regret ou forcer l’admiration des choses de la vie. Les premiers réalisateurs de films ne s’y sont pas trompés et ont rapidement associé les plus belles musiques aux images de leurs productions, aussi nombreuses que sont les facettes de nos aventures humaines : douces, paisibles, violentes ou bouleversantes. De même, les premiers films muets n’ont pas manqué de se faire accompagner de pianos bastringues, pour soutenir les péripéties burlesques de leurs défilements erratiques. Il n’est pas d’évocation de film sans qu’un petit air complice vienne provoquer l’illumination d’une image oubliée.
     Les notes sont partout, utilisables, disponibles à merci pour susciter notre admiration ou renforcer les charmes de nos vieux souvenirs. Il est étonnant de constater que limitées à quelques tonalités elles se combinent à l’infini dans des arrangements aussi variés que peut l’imagination des artistes. Avec les miracles de  leurs talents ils réussissent à soutenir toutes les situations et les nombreux besoins musicaux de nos événements ou de nos sentiments : des plus belles romances amoureuses aux plus profonds Requiem. Amen !
 Quant à la nature, elle gazouille de notes, du chant des oiseaux aux chutes des ruisseaux, du souffle du vent aux grondements du tonnerre sans oublier les cliquetis apaisants de toutes petites pluies du printemps. Et puis les cigales… !
     Qu’elles soient népalaises, bantous ou celtes, et qu’elles s’associent dans une musique locale, comme un chant zoulou où un râle guttural de moine bouddhiste,   les notes s’arrangent harmonieusement pour donner aux créations le caractère spécifique de leurs origines. A ce titre, il m’est arrivé de résister aux chaleurs estivales en écoutant de belles symphonies de Sibelius, compositeur finlandais. On reçoit le souffle de leurs notes glaciales comme le balayage puissant d’un vent froid, issu des plus profondes steppes du cercle polaire. Une véritable climatisation musicale. Ainsi, jaillissantes de toutes les expressions culturelles du monde, les notes entretiennent le lien le plus universel de l’humanité. Aussi, pour ne pas les perdre, à peine exprimées, est-il bon de les imaginer dans un univers où elles pourraient se retrouver, sans cesse, entre elles, de façon à tout recommencer, pour notre plaisir : encore et toujours.
     Donc il était une fois, dans un vaste Royaume noyé dans des nuages vaporeux, artistiquement modelés en clé de sol, de fa, ou de do, un immense rassemblement de notes de musique, de toutes les couleurs et de de toutes les nuances. Accrochées à la manière d’hirondelles sur des fils tendus à l’infini, elles donnaient l’impression d’un ballet incessant de va et vient, entre celles qui partaient comme aspirées par un appel irrésistible, un chant, une mélodie ou une baguette, et puis celles qui revenaient d’un mystérieux séjour, émerveillées ou épuisées par le bonheur ou la fatigue d’une fraîche contribution. Bavardes, elles avaient énormément de choses à se raconter :
  -T’as l’air moulue, mais d’où viens-tu ?
  -Ne m’en parle pas, je viens de passer à travers les cordes vocales d’un épouvantable chanteur éraillé qui prenait sa douche en braillant des choses impossibles, un gros fumeur de surcroît. J’en suis ressortie toute ébranlée et asphyxiée. Je vais prendre un long congé maladie avant d’aller me faire réaccorder. Et toi ?
  -Oh moi, je viens de me farcir un concert de chorale dans une petite église du Bugey, c’était super cool, assez pépère et reposant, je me suis refait une santé dans la voix d’une alto distraite qui sommeillait dans sa partition, j’ai eu le temps de flirter avec une très belle croche en do majeur qui adore Mozart, comme moi !
   -Super, une belle liaison à venir ?
   -Bof, tu sais en musique on rencontre tellement de notes !
     Les choses en allèrent ainsi jusqu’au jour où une série de pizzicati grinçants et hargneux racontèrent une histoire étonnante. Ils rentraient d’un pays dirigé par un tyran épouvantable qui voulait tout taxer, depuis l’air que l’on respire, la beauté des paysages et jusqu’à la culture du haricot. Tout. Sa dernière trouvaille était d’imposer les notes de musique. Une aberration qu’il fallait absolument corriger avant que des interprètes, par soucis d’économie, se retrouvent en panne de notes au beau milieu d’un concert. La Reine Mère, une grosse pondeuse de croches et soucieuse du bonheur de l’humanité décida de réagir. Elle devint noire de colère en poussant un grand « Do » de soprano aiguë qui ébranla le Royaume et qui accorda tout le monde, ensuite, elle prit les décisions qui s’imposaient. Elle demanda à toutes les notes, volontaires pour ce pays, de ne chanter que pour des chants révolutionnaires dont une Marseillaise locale. Des chants qui galvanisèrent tellement les populations oppressées qu’elles se mobilisèrent avec courage pour chasser le tyran. La liberté retrouvée permis à de nombreuses notes de musique de surgir en abondance pour assurer l’interprétation éclatante d’un magnifique Te Deum. La liesse fut générale.
Et c’est ainsi que depuis ce temps-là, dans ce pays libéré, on célèbre chaque année la fête des notes de musique.

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